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Et si le monde de demain n’était pas du tout à la hauteur de nos espérances ?

« L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance. »

                                                           Bernanos - La Liberté pour quoi faire ?bernanos.jpg

 

Episode 6 de la Mosaïque du fou

 

CHAPITRE 3- Momo

 

Momo était inquiet, cela faisait bien trop longtemps qu’aucune équipe était partie dans les hautes Boutières soit en expédition punitive soit en mission de reconnaissance. La mission partie à la recherche de cette trainée de Leylla qui avait abandonné la foi de ses ancêtres pour vivre avec un Français catho & intello et qui n’était jamais revenue avait marqué un tournant dans son groupe armé.

L’influence, ou devrions nous dire la main mise, des Bataillons comme ils s’appellent, sur les hautes Boutières pose un certain nombre de problèmes de ruptures d’approvisionnement et de communication. Momo sait bien qu’un jour ou l’autre il devra se réunir avec d’autres Katibas pour y mettre fin. Il sait aussi, d’expérience, que dans ce genre de situation la précipitation n’est jamais bonne conseillère, et les Katiba de la basse vallée de l’Eyrieux qui ont voulu y aller seules, ont appris à leur dépend que ces apostats savent se battre et qu’ils sont bien équipés et organisés.

Momo est né en Irak en 2013, d’un père Jihadiste français parti se battre en Irak deux ans avant la proclamation du Califat par Daech et d’une mère Française Catholique convertie qui a suivi son barbu de père par amour, après s’être convertie au grand damne de sa famille. Son père avait un parcours de guerrier de l’Islam. Il avait été formé et avait combattu en Afghanistan au côté de Oussama Bin Laden, à cette époque il faisait partie intégrante de l’internationale Djihadiste. Il se battait là ou la politique des groupes armés l’envoyait, d’Afghanistan en Algérie en passant par des périodes de repos et de prière en Arabie Saoudite. Il aurait pu devenir un des bras droits des leaders du mouvement, mais il avait la mauvaise nationalité. Il avait vite compris qu’on appréciait son ardeur au combat, sa foi dans Allah sa connaissance plus que correcte de la langue arabe parlée mais aussi écrite, mais il n’était pas originaire ni du bon pays, ni de la bonne ethnie. Un peu comme dans la Légion étrangère, il pouvait devenir un sous-officier avec beaucoup de responsabilité et de médailles, mais il ne pénétrerait jamais le cercle fermé des officiers, et encore moins des organes de commandement. C’est ce qui l’avait convaincu de revenir en France et d’essayer de se faire oublier au fin fond du 9 trois. Il y rencontra Myriam qui se converti et devint dans le plus grand secret Mariam. Quand les évènements en Irak, suivant la deuxième guerre du golfe, commencèrent, plusieurs de ses anciens compagnons vinrent le chercher et la promesse d’y créer un nouveau Califat, géré suivant toutes les règles de la Charia le séduisit et il partit avec armes et bagages et avec son épouse. La guerre dura longtemps en 2013 il eut un premier fils puis eu deux filles et un deuxième fils en l’espace de trois ans. Il mourut au combat à Falloujah en 2016, Mariam était enceinte de son 4eme enfant. Les Forces Kurdes les firent prisonniers et les internèrent dans un camp. L’état Français refusa de les reprendre et les laissa pourrir dans ce camp, une prison de tentes. Momo parle peu de sa tendre enfance, qui n’avait de tendre que le nom. On sait seulement que son petit frère n’y survécu pas et mourut de dysenterie à 6 mois. Sa mère mourut 4 mois plus tard et on ne saura jamais si c’était de chagrin ou de maltraitance par les gardiens. Peut-être qu’elle est morte de maladie, car aucun médicament n’était disponible dans cette prison, et la moindre infection pouvait être fatale. Momo aurait pu s’enfuir mais il se sentait responsable de ses jeunes sœurs. Dans ces camps la solidarité n’était pas un vain mot et la charité, 4eme pilier de l’Islam (zakât), signifiait qu’on partageait tout y compris ce qui manquait terriblement. Dans ce camp il y avait de nombreuses familles mono parentales, les hommes ayant été tués au combat ou mis dans des prisons plus traditionnelles en attente de leur exécution ou du retour au pays d’origine. 4 ans plus tard en 2021 à l’âge de 7 ans, sachant ses sœurs en de bonnes mains, chez les voisines de tente, Momo décida de se venger et de venger sa mère. Il s’évada et pris la direction du Nord-Ouest pour rejoindre la terre de ses ancêtres français. Depuis leur internement sa mère lui avait parlé de sa grand-mère française qui viendrait les chercher pour les ramener au pays, mais qui ne vint jamais. Le voyage fut très long et périlleux, mais la misère dans les pays traversés était une forme de protection. Momo savait se débrouiller, vivre sur les poubelles des autres et passer totalement inaperçu. Au camp il avait vite compris que les hommes, enfin certains, s’intéressent plus aux petits garçons qu’aux femmes, et que s’il s’y prenait bien il pourrait en tirer un bénéfice financier. Son voyage fut fait de rapines, de prostitution, de charité mais aussi de coups, de viols et de famines. Il réussit finalement à s’embarquer à bord d’un bateau de fortune sur la cote tunisienne en direction de Lampedusa. La traversée qui apparaissait courte sur une carte fut longue et pénible. Le dicton que l’homme est un loup pour l’homme prend toute sa dimension dans ces circonstances. Il a fallu se battre pour arriver à monter dans l’embarcation. Momo convoitait la même place qu’un garçon de 14 ans beaucoup plus costaud que lui. La bagarre fut acharnée sous les rires, quolibets et encouragements des passeurs. A un moment le regard de Momo plongea dans celui de son opposant et Momo vit de la peur. Cela le galvanisa et il essaya d’arracher la carotide du garçon avec ses dents. Devant un tel acharnement le silence s’était fait et ce garçon, dont il ne connaitrait jamais le nom, se retira en courant. La traversée ne fut pas une partie de plaisir, il y avait gros temps, il faisait froid, et il ne fallait pas se faire prendre par les gardes cotes tunisiens, libyens, ou les navires de la force Frontex censés protéger les rivages européens. Ils naviguèrent trois jours et trois nuits, après 24heures ils n’avaient plus rien à manger et après encore une journée plus rien à boire. Les vieillards et les enfants en bas âge moururent en premier, ils furent jetés par-dessus bord. Un bon tiers d’entre eux étaient déjà morts quand l’OCEAN Viking, navire d’une association caritative les récupéra. Ils se pensaient sauvés, mais le bateau ne fut pas autorisé à accoster et une longue attente commença en pleine mer. Ils durent même remplir les réservoirs auprès d’un navire ravitailleur de l’armée française le Var. C’est à cette occasion que Momo qui parlait quelques mots de la langue de Molière put expliquer qu’il était français montrant comme preuve le passeport de sa mère qui ne l’avait pas quitté depuis les camps. C’est ainsi que Momo arriva tout d’abord en Corse puis à Toulon.

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suite au prochain numéro

 

Louis Lévêque

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