« L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance. »
Bernanos - La Liberté pour quoi faire ?
Episode 2
Bonne chasse Johannes ?
Oui mon colonel on a mis fin à une Katiba chiite et à un commando catholique intégriste. En tout 15 morts et une vingtaine de blessés chez eux et seulement 2 blessés chez nous. Très bien Johannes, mais attention à un excès de violence les B.L.P.R. (Bataillons Laïques Pour la République) ne sont pas des troupes d’extermination.
Johannes se rembruni, et traîna son mètre quatre-vingt-dix de nerfs, d’os et de muscles vers le fond du local. Il faut dire qu'en ce mois de juin 2036, la situation est de plus en plus dégradée. Depuis cinq ans la France est partagée en deux, au nord la République de nos ancêtres, démocratique, mais indécise et faible, et au sud une Théocratie sécessionniste, avec trois mouvements extrémistes qui s'opposent, Sunnites, Chiites et Chrétiens. La ligne de démarcation entre les deux n’est pas stable, et l’Ardèche en particulier mais tout le massif central en général est une terre de résistance Laïque. Ces terres qui ont connues les Cathares, puis les guerres de religion, sont restées farouchement rebelles à toute forme de dictature.
Le Colonel Jean Bires a décidé de Fédérer des hommes et des femmes de tous horizons qui ont pour seule politique, le respect de la laïcité à la française. Il a constitué des Corps Francs, autonomes de l’armée régulière pour protéger les institutions et les civils des bandes de fous de dieu qui ont commencées à s’étriper sur le sol national. Au début les Corps Francs des BLPR ont été armés et financés par l'armée régulière. Mais la montée des radicalismes religieux et de l’état de guerre civile permanente au sud a généré un phénomène de repli sur des positions concordataires du Nord au-delà de la Loire, et les BLPR ont dû apprendre à se débrouiller seuls.
Cela fait 3 ans que Johannes a rejoint les BLPR, issu d'une famille avec une vieille tradition Laïcarde, il lui a paru tout à fait naturel de rejoindre le Colonel Bires et de protéger la laïcité.
En arrivant au fond du local il se trouva nez à nez avec Leylla qui lui envoya un sourire mi complice mi ironique. Leylla a 10 ans de plus que Johannes, et à 44 ans elle commence à trouver la vie des Corps francs compliquée. Elle les a rejoint après que son époux, un universitaire ardéchois ait été assassiné par une bande de djihadistes qui effectuaient un raid pour tuer autant de Gaulois que possible. Dans les représailles des groupes extrémistes chrétiens de la Croix Flamboyante, son origine Marocaine la désignait comme victime expiatoire. Seule l’intervention des BLPR lui avait sauvé la vie, même s'ils n'avaient pas pu lui éviter d’immondes violences. Johannes n’avait pas ramené de prisonniers de cette sortie, et d’ailleurs depuis, il avait tendance à en faire très peu. Il avait récupéré le corps de Leylla roué de coups et meurtri par un viol qui n'avait eu pour but que d'humilier et de punir. Il l’a soignée personnellement, comme s’il se considérait responsable des outrages subis par cette femme. Il a ramené Leylla à la vie tout doucement, et il est le seul homme qui puisse s'approcher d'elle et a fortiori la toucher. Difficile de décrire ces deux-là comme un couple, mais ils surveillent les arrières de l’autre et ont une relation sexuelle torride qui fait plus penser à un combat qu'à une relation de tendresse. Leylla est un peu la déesse de mort du groupe. Elle ne dit jamais rien, mais au combat c'est une tigresse, elle n'a peur de rien et se comporte comme si la mort, l’ayant loupée une fois, n’avait plus aucune prise sur elle.
Jo, dit-elle, ne t’inquiète pas on a bien travaillé, mais mes vieux os réclament une douche chaude, vient me frotter le dos cela te décontractera. Avec un sourire lubrique Johannes s'exécute et rejoint son lieutenant. A 44 ans Latifa est encore très belle, et Johannes en est fou.
De retour dans le local Jo fait le tri des armes et munitions récupérées, et il s’aperçoit que ce ne sera pas suffisant. Leur raides successifs sont gourmands en munitions et l’approvisionnement ne suit pas. Le « Local » comme ils l’appellent entre eux, est une grotte assez vaste au pied d’un éperon rocheux basaltique qui a servi de forteresse et de village fortifié depuis le 9ème siècle. Le fort de Brion. Cette grotte a été faite par eux à l’explosif, pas très écolos mais redoutablement efficace si on sait ce que l’on fait, et d’en haut, de loin et même de près ils sont quasiment invisibles, ce qui explique que ce camp ait tenu aussi longtemps. Jo sait bien que cela ne pourra pas durer indéfiniment, et au cas où ils seraient les victimes d’une attaque frontale, ils ne pourraient tenir que quelques heures. Il se lève et se dirige vers le coin réservé au colonel…… (suite au prochain numéro)
Louis Lévêque