Depuis ma naissance
il a dû en passer de l'eau sous les ponts.
j'ai résisté aux orages, aux tempêtes et au temps
j'étais beau
J'étais fier de mon apparence
de mes piliers, de mes voûtes
fier du travail qu'avaient effectué les maçons
fier d'avoir résisté à la crue de 1963
même la rivière était fière de passer dessous
les poissons se vantaient de me connaître
les touristes me photographiaient
non, je n'étais pas le pont du Gard
ni le viaduc de Millau
même pas le pont du diable
je servais seulement, modestement à passer d'une rive à l'autre
les randonneurs m'empruntaient
quelques véhicules passaient
et puis, brusquement on a cassé les pierres du parapet
on l'a remplacé par de la ferraille
un peu plus tard, même opération de l'autre côté
élargi de quelques centimètres
parait que c'est la faute aux pompiers
ils ont bon dos les pompiers
ça a dû coûter bonbon
un pognon de dingue, comme dit l'autre
Nombreux sont mes ponts frères qui ont subi le même sort
j'étais un des seuls survivants
le progrès
on a voulu me faire ressembler au viaduc de Garabit
mi-pierre, mi-fer
plus de quoi être fier.
R. Gardes