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Et si le monde de demain n’était pas du tout à la hauteur de nos espérances ?

« L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance. »

                                                           Bernanos - La Liberté pour quoi faire ?bernanos.jpg

 

Episode 7 de la Mosaïque du fou

 

CHAPITRE 3- Momo suite

Momo fut tout d’abord interviewé par le DGSI, avec l’aide d’un traducteur qu’il avait du mal à comprendre et qui visiblement ne comprenait pas le tiers de ses réponses. Quand l’officier des renseignements en charge se rendit compte de ces faits il demanda à changer d’interprète. Le nouveau était Irakien et la compréhension devint plus facile. Momo avait appris dans les camps que pour vivre tranquille, il ne fallait pas céder trop vite pour être crédible, mais ne pas attendre trop pour ne pas subir les coups de crosse, et au bon moment il fallait leur dire ce qu’ils voulaient entendre quitte à inventer tout ou partie de la réponse. Il se refugia dans le mutisme pendant 5 jours, et quand il sentit que la patience de ses interrogateurs était à bout, il leur raconta une histoire bien larmoyante de son périple et de sa vie en Syrie et en Irak, en mélangeant 1/3 de vrai avec 2/3 de mensonges, et en se gardant bien de montrer la haine qui lui mangeait le foie.

Après 10 jours il fut remis à ses grands-parents maternels, qui furent très vite très embêtés avec ce Rebel de 8 ans qui ne parlait que quelques mots de Français et qui se levait le matin avec un regard plein de haine et se couchait, la nuit venue, avec le même regard. Il fallut à Momo un semestre à l’école pour apprendre un Français quasiment parfait, son maitre était impressionné par sa vivacité, mais effrayé par son agressivité et sa combativité. Son adaptabilité l’amena à faire le sous-marin, il mangeait et couchait chez ses grands-parents, mais ne leur adressait pas la parole, ce qui n’était pas pour leur déplaire, comment auraient-ils pu expliquer à ce gamin pourquoi ils n’étaient pas venus le chercher et pourquoi ils ne faisaient rien pour retrouver ses sœurs. Momo alla ainsi jusqu’au BAC qu’il obtint à 16ans avec une mention TB. A 17 ans il s’engagea dans l’armée, et se porta volontaire pour les commandos de marine. A la fin de sa formation il déserta un matin et disparu totalement du paysage. 8 jours plus tard la police retrouva ses grands-parents égorgés dans leur voiture sur le parking d’Ikéa. Momo fut recherché, mais à part sa disparition rien ne l’incriminait dans ce meurtre, pas de témoins, pas d’empreintes, la police conclut à un crime de rodeur. C’était en fait le début de la vengeance de Momo. Il reparti en Irak, visita beaucoup de camps pour retrouver ses sœurs. Après 6 mois de recherche acharnée il retrouva la cadette Saïda dans un bordel à soldats de l’armée Syrienne. Il commença son enquête pour savoir qui était qui et qui était à la tête de ce trafic d’êtres humains. Quand il eut une bonne idée des responsables, il commença le nettoyage et éradiqua la planète d’une bonne dizaine d’ordures. Quand ce fut fait il constitua une bande de 12 mercenaires, comme lui issus des camps, finança tout cela avec le pactole qu’il avait récupéré chez ses grands-parents, enfin ce qui en restait après un peu plus de deux ans de cavale. Avec cette bande il planifia l’enlèvement de sa sœur au bordel et ils rentrèrent tous clandestinement en France. Quand on a du cash tout devient plus simple pour passer les frontières.

A son retour il découvrit une France en état de guerre civile, Il reconstitua son groupe et se mit à la disposition d’un Imam intégriste de Lyon qui très vite lui confia la création d’un poste avancé en Ardèche au nord des Boutières dans la vallée de la Cance. Sa sœur cadette était à ses côtés, elle ne le quittait plus depuis son exfiltration et son retour en France.

  Mohamed était croyant, sa culture acquise auprès de son père, un peu, et de sa mère beaucoup était la culture de la Charia, tout est géré par la religion, surtout les interdits. Pour les musulmans Dieu est partout et en toute chose, il est une force et une puissance qu’il faut respecter mais il n’a pas de représentation particulière, et c’est pour cela qu’il est interdit de le représenter, car il n’est pas homme et pas représentable. C’est un concept que les juifs comprennent car c’est pareil pour eux, cependant pour les catholiques et leurs cousins orthodoxes et un peu pour les protestants, c’est inconcevable puisque dieu c’est fait homme. Pour les musulmans la représentation d’Allah c’est le blasphème ultime, ce n’est pas la négation de Dieu, c’est pire c’est le contraire, ce que chez les chrétiens on appelle l’antéchrist. Le concept de laïcité Momo le connait bien, car sa mère avait été élevée en France au cœur de ce concept, et certes elle l’a rejeté en épousant son Djihadiste de mari, mais il imprégnait tout son être, et influençait sa façon d’aborder l’Islam. Il comprenait donc peut-être mieux que quiconque pourquoi la Laïcité, à la française ou pas, et même le sécularisme anglosaxon étaient plus qu’incompatibles avec sa religion Ils étaient incompréhensibles pour un musulman. Si Dieu est tout, en tout et partout, il est impossible de l’extraire de la gestion de la citée, la vie est un tout et ne peut être compartimentée. CQFD

Momo croit profondément que cette vision de l’Islam et du monde est juste et vraie. Il est donc Musulman, croyant et pratiquant. Après sa formation religieuse était assez succincte et en aucun cas il s’identifie aux extrémistes religieux. Son combat à lui, son djihâd, c’est celui d’un révolté qui n’a connu que la haine, la misère, et le rejet. Il croit que se battre fait partie de sa vie et que ça ne s’arrêtera jamais.

 

 Il sortit brusquement de sa rêverie quand il reçut un message des Imams le convoquant à une réunion dans trois jours à la mosquée des Ollières. Le lieu même de la réunion lui indiquait le sujet qui serait à l’ordre du jour. Le service de renseignement Sunnite avait du « loger » la cache des BLPR, et il fallait prévoir l’attaque et la destruction de leur cache. Momo eu un frisson, il savait que ce serait une tache sanglante et dangereuse car les équipes du Colonel était aguerries et bien organisées. Il se demanda qui sortirait vainqueur de cet affrontement. Momo avait une curiosité non déguisée pour Johannes, et il se dit que vainqueur ou vaincu il espérait vivre assez longtemps pour rencontrer ce phénomène. Ce serait un beau combat. Momo aurait vraiment voulu pouvoir apprécier l’homme qu’il affrontait depuis déjà quelques années, mais il ne comprenait pas qu’on puisse vivre sans Dieu. Pour lui cette construction intellectuelle, d’une citée sans Dieu, que les Français ont construit depuis la révolution de 1789 lui paraissait complètement irréelle, voire impossible à comprendre. Depuis sa plus tendre enfance le concept de Allah gère et régule tous les instants de sa vie, le vide abyssal que laisserait son abandon lui parait au-dessus de ses forces. Il combattait les autres religions du livre, mais c’étaient des croyants comme lui et les ressorts de leur combat étaient compréhensibles pour lui. Ceux qui prêchent la laïcité sont des énigmes pour lui, même si sa propre mère a été élevée dans cette laïcité, elle a fini par se convertir à la vraie religion, et surtout ceux qui la prônent tout en se prétendant croyant, comment peut-on croire en un dieu et ne pas vivre en permanence en harmonie avec sa parole. Apparemment il y en a dans les BLPR, il y aurait même des curés dans leur rangs, mais ses informations lui disent que ce n’est pas le cas de Johannes, lui il ne croit en rien. La pire des insultes à Allah. Momo est un intellectuel de sa religion et donc il se promit d’essayer d’avoir ce débat avec son ennemi si les circonstances lui en donnaient la chance.

 

 suite au prochain numéro

 

Louis Lévêque

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