Que nous soyons pour le Vaccin, circonspects, ou carrément opposés, pourquoi ne pouvons-nous pas faire société autour d'une écrasante majorité. Qu'elle représente 20 % ou 16 % ou moins, cette minorité agissante semble vouloir à nouveau bloquer la France. Dans quel but ? Elle crie au déni de justice et de démocratie, mais de quelle justice et de quelle démocratie parle-t-on , et surtout de quel déni quand on représente une petite minorité. Le respect des minorités ne veut pas dire qu'ils vont avoir raison contre une écrasante majorité. Mais il n'y a plus d'esprit collectif dans la nation, chacun est là pour sa pomme. Les manifestants qu'ils soient de gauche, d'extrême gauche, frontistes ou simplement contestataire, sont là au nom d'une certitude ancrée au fond d'eux-mêmes, la certitude qu'ils ont raison, qu'ils détiennent la vérité. Vérité souvent acquise sur les réseaux sociaux à force de fake news et de complotisme. Ils tirent de manifestations rachitiques qu'ils ont forcément raison puisque 3000, 5000, 10000, se sont déplacés pour "râler". Mais qu'en est-il de la nation, de cette majorité silencieuse qui a du mal à suivre toute cette violence ?
Tous nos hommes politiques, de tous les bords, ont favorisé l’individualisme. Le néo libéralisme, c'est la victoire de l'individu sur le groupe, nous vivons dans un monde égocentré où l'on ramène tout à soi, à sa petite mesure, à ce que l'on connaît, l'Individu roi ! Aucune notion de groupe, de Nation. Mais seulement la défense d'intérêts particuliers, sans aucune vision d’ensemble. Et on nous parle de sauver la planète … c'est ridicule. Cette lame de fond (- de 20% de la population, n'exagérons pas) a débuté en 2013 avec les bonnets rouges en Bretagne contre les portiques censés taxés les véhicules émetteurs de carbone. Mouvement 100 % breton et anti-écolo pour la défense de la Bretagne, ou d'une certaine vision de la Bretagne. Alors que les deux chambres avaient voté ce texte à l’UNANIMITE, la loi a été retirée dans la protection de l'intérêt de certains, mais pas de la planète, ni de la démocratie, ce mouvement était clairement antidémocratique. Il en va de même des gilets jaunes, mouvement parti d'un ras le bol du diesel cher, à cause d’une surtaxe liée à l'émission de carbone. Qui s'est étendu dans un agrégat de toutes les contestations marginales, voire issues d'une forme de génération spontanée de toutes les frustrations liées à la société moderne. En gros je gagne moins que mon voisin , ce n’est pas normal. Tout cela pour finir avec des relents nauséabonds de racisme et d'antisémitisme d'un autre temps…. Il faut bien des boucs émissaires. Certains hommes politiques de l'opposition ont un temps espéré que ce mouvement prendrait une certaine consistance et qu'ils pourraient le structurer. Mais non, pas un manifestant ne se soucie de la vérité de son voisin, chacun a des raisons différentes d'être là, et tous se donnent l'illusion de pouvoir faire la révolution en criant très fort à côté de quelqu'un qui est peut-être aux antipodes de ses propres revendications.
Fut un temps où les hommes politiques de la majorité auraient appelé à une manifestation massive de ras le bol, mais ça c'était avant, avant que l'individualisme tue tout sursaut civique. Tout le monde pense que le grand stratège Macron a fait exploser la gauche puis la droite, il a tout au plus surfé la vague et marginalement accéléré le processus de désagrégation des partis politiques, il est l'exemple parfait de l'individualisme roi, comme Trump et Poutine dans des styles différents. Écoutez la droite dite de gouvernement, elle cherche son candidat providentiel, donc l'individu qui peut les faire gagner, pas de programme construit mais déjà 6 ou 7 candidats déclarés pour les élections présidentielles qu'ils ne peuvent que perdre. Entre nous il y a sur ce sujet match nul avec la gauche qui est exactement dans le même processus.
Attention ce propos ne nie pas que notre société est malade et que les choses vont mal. Ce propos essaye de montrer que nous sommes rentrés dans une ère d'individualisme forcené, ce qui revient à prôner la loi du plus fort. Clairement l'individualisme favorise les forts et donc les riches, ceux qui avancent et progressent sans faire de bruit, pas ceux qui manifestent et se battent pour des libertés individuelles réelles ou imaginaires qui vont à l'encontre du bien collectif, les défavorisés, et qui donc font le lit des plus forts ! Sur des mouvements transverses comme Black Lives Mater, on arrive à prouver que le collectif peut encore mettre à genoux les plus forts, mais ce qui est gênant c'est qu'on est sur des thèmes clivants, nécessaires, certes, mais clivants, pas des thèmes qui font société, sur le bien général et la protection de ce qui peut être encore protégé sur notre planète.
Notre société sera ce que nous en ferons
Régis L. Duchamp
Commentaires
Cher Régis,
Quelques remarques :
- Individualisme : «Théorie ou tendance qui privilégie la valeur et les droits de l'individu par rapport à ceux de la société. » On peut considérer que l'individualisme favorise l'initiative privée et le développement de la responsabilité de chacun par rapport au collectivisme (dont je suppose que tu n'es pas un ardent défenseur) C'est l'application de la fameuse formule d'Emmanuel Kant : Oser penser par soi-même. Ta critique de l'individualisme qui pour toi est ici synonyme d'égoïsme semble s'adresser sans nuance et uniquement à un mouvement qui revendique (entre autre) pour avoir la liberté de prendre un café sur une terrasse sans être obligé de présenter un pass sanitaire. Qu'ils soient une minorité, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'ils soient influencés par les réseaux sociaux, qu'on soit d'accord ou pas avec eux ne leur interdit pas de manifester, même si tu penses qu'ils le font pour de mauvaises raisons. Lorsque les syndicats manifestent pour défendre les intérêts d'une corporation, c'est du corporatisme dont on peut dire également : « Tout pour notre pomme »
Je me demande d'ailleurs si l'individualisme/égoïsme n'est pas plus du côté des nantis (voir mon billet : « Toutes les Mercedes du monde » dans le numéro de janvier 2021 ) qui, pensant ne devoir leur réussite qu'à eux mêmes se fichent des problèmes des autres. D'ailleurs c'est bien ce que tu dis : « l'individualisme favorise les plus forts » , qui eux n'ont pas besoin de manifester.
-La critique de ce mouvement de contestation du pass sanitaire fait penser à celle des gilets jaunes : Tout ce qui bouge hors syndicats et partis politiques est illégitime . Le peuple est suspect quand il se met en mouvement , trop bête sans doute !! N'y a t-il pas ici un mépris de classe ? Si au début on a pris les gilets jaunes, comme tu l'écris « Pour une génération spontanée de toutes les frustations liées à la vie moderne. » il faut bien reconnaître qu'ils en sont arrivés à revendiquer pour plus de démocratie et de défense du bien commun, ce qui est contraire me semble t-il à l'individualisme.
-Ceci étant dit, (et c'est le plus important) j'en viens à ta dernière phrase : « mais ce qui est gênant c'est qu'on est sur des thèmes clivants, nécessaires, certes, mais clivants, pas des thèmes qui font société, sur le bien général et la protection de ce qui peut être encore protégé sur notre planète. » En effet, l'urgence est d'abord climatique, et la Pandémie appartient à ce récit là, c'est la destruction de la biodiversité et l'exploitation des ressources de la planète qui nous a apporté ce fléau. Se battre à propos du Pass sanitaire ou de la vaccination n'a de sens que si les brevets des vaccins sont libérés pour que le monde entier soit vacciné en même temps. L'avenir est peut-être ce que nous en ferons, mais il me paraît sombre si nous ne prenons pas conscience du problème prioritaire qui peut signifier la disparition de la vie sur terre. Alors, pass ou pas pass....
Mon Cher François ,
Merci pour ce recadrage de Gauche :-) Mais comme souvent , tu as lu dans mon propos des choses qui n'y sont pas car tu y a appliqué le filtre de mes opinions supposées . Oui je suis contre les manifestations et oui je suis pour le pass sanitaire , mais mon propos était plus sur comment faire société dans un monde qui ne s'écoute plus et ne se parle plus! Individualisme versus collectivisme ! le mot ne me gène pas , meme si comme tout il doit etre consommé sans excès et dans le cadre démocratique. Pour le reste de tes commentaires , en fait nous sommes d'accord sur le fond meme si nous ne sommes pas forcément d'accord sur le chemin pour y arriver . L'histoire de notre amitié
Regis L Duchamp
bonjour .
vous devez sans doute savoir que le vaccin ne vous empêche pas d’attraper le virus ni de le transmettre .
et les manif anti passe sanitaire ne son pas violente mais pacifique .
des personnes que vous connaissez viennes de l’attraper ( le virus ) , il sont soignè actuellement avec le protocole du dangereux professeur fou de Marseille .
on en sauras mieux dans quelques jours . . .
cordialement
david
Les gars, merci pour ces échanges de haut niveau intellectuel et philosophique.
Et quand j’ai lu ces argumentaires et ces analyses dans « rue des puces »
J’ai d’abord cru que c’était Sénèque qui répondait à Platon.
Rousseau à Voltaire
Kant à Hégel
Lénine à Trostky
Jean-Paul Sartre à Raymond Aron
Et bien non :
C’était Régis Duchamp qui répondait à François Champelovier.
Quelle hauteur de vue !
Je me suis régalé à vous lire.
Mais maintenant j’ai mal à la tête et je vais me recoucher.
Bonsoir,
Je voudrais juste apporter un autre éclairage à ce débat qui est, effectivement, de "haute volée. Toutes les opinions émises, tant par M. Duchamp que par François, sont respectables. Je me placerais sur un plan plus "philosophique" que "politique", en me posant la question de savoir qu'est ce que l'exercice de la liberté dans une démocratie ?
En schématisant le propos de M. Duchamp, il y aurait des revendications qui serviraient l'intérêt général et qui seraient donc justes et légitimes, et d'autres qui serviraient des groupes restreints, des corporatismes, des individualités, des égoïsmes et qui seraient inappropriées. Mais en poussant le curseur un peu plus loin, qui déciderait quelle revendication est juste et quelle revendication ne l'est pas ?
Ce choix porte déjà en lui-même une atteinte à la liberté d'expression individuelle.
Chaque être humain dispose de la liberté de penser, de s'exprimer, de se déplacer. Cette liberté est le pilier d'une démocratie, et son niveau détermine l'état de santé de cette démocratie.
Alors oui, les manifestations qui ont lieu à Paris tous les samedis depuis au moins deux ans me dérangent. D'abord parce qu'elles sont porteuses de violences (voir mon témoignage dans un numéro précédent de ce blog) et aussi parce qu'elles m'obligent à limiter mes déplacements ce jour là, puisque, sur le trajet des manifestations les lignes de bus sont détournées ou interrompues, et en sous-sol, les stations de métro fermées.
Et pourtant, je la chérie cette liberté, C'est un bien précieux.
J'en veux pour preuve un reportage de quelques minutes que j'ai vu à un journal télévisé cette semaine. La scène se passe à Kaboul, Une télévision étrangère est en train d'interviewer un citoyen afghan. Il est interrompu par un taliban qui l'apostrophe d'une voix menaçante : " Qu'est ce que tu es en train de faire ?". Et l'homme de répondre d'une voix calme et assurée :"Je parle à une télévision étrangère. J'ai le droit et la liberté de m'exprimer". Quel courage a-t-il fallu à cet homme de revendiquer sa liberté d'expression devant un autre lourdement armé !
Alors débattons comme nous sommes en train de le faire, exprimons-nous sans crainte, montons sur des tabourets pour haranguer la foule comme cela se pratique à Londres par exemple, mais rappelons-nous que cette liberté est une chance que d'autres citoyens dans d'autres pays n'ont pas car elle leur a été confisquée.
Evelyne Chomarat