L’ouvrier malade de Charles Murat

L’industrie ardéchoise est depuis quelques années mise à l’honneur par des publications et, récemment, par l’exposition Des hommes, des femmes des usines. Regard(s) sur l'industrie en Ardèche, accompagnée d’une publication et réalisée par les Archives départementales de l’Ardèche. Le Parc des monts d’Ardèche s’est aussi intéressé au patrimoine industriel de son territoire avec, par exemple, l’accueil d’une doctorante en thèse de géographie. Son travail portait sur la patrimonialisation des héritages industriels. Il a aussi lancé la réalisation d’un film documentaire « Empreinte vivante, le patrimoine industriel en Ardèche » avec Christian Tran. On peut aussi citer le regard artistique de Lani Maestro sur l’usine de bijoux Murat, en 2014, même si l’installation de son œuvre Ces mains a été très critiquée…

Si le développement de l’industrie bijoutière est bien connu entre St-Martin et Le Cheylard, les circonstances de son installation restent du domaine des petites histoires ou légendes. L’une d’elles indique que « Charles Murat aurait proposé à un membre de son personnel malade de s’installer dans sa maison de St-Martin… » Ce serait cet employé qui aurait fondé l’atelier du Pont.

Cette histoire repose-t-elle sur une réalité ou un élément de réalité ? S’il est difficile de répondre, une recherche dans un des recensements disponibles du village peut nous inciter à faire un rapprochement.

Le recensement de 1876 (ceux de 1866 et 1872 ne sont malheureusement pas en ligne) révèle que le bijoutier parisien Louis Auguste Noël, 34 ans, était alors installé au quartier du Pont avec femme, enfant et beaux-parents. Rien n’indique une maladie, ni une guérison miraculeuse pour ce bijoutier qui s’éteindra, à Paris, à 82 ans. Un drame est cependant survenu dans cette famille avec la perte d’une fille, Jeanne Eugénie, âgée de deux ans. Celle-ci est née le 5 septembre 1868 à St-Martin, ce qui indique qu’à cette date la famille était déjà installée dans le village. Elle logeait peut-être dans « la maison appartenant à Joseph Riou à la Croix la Pierre » suivant une indication de l’acte de décès. S’il y a aussi une légende de maladie liée à l’arrivée de la famille Legros à St-Martin, il pourrait aussi y avoir une correspondance entre le voyage de madame Legros, enceinte, et celui de madame Noël, enceinte aussi, si l’installation de la famille s’est faite entre le 1er janvier et la date de la naissance de Jeanne Eugénie. L’inauguration de l’atelier aurait eu lieu en 1868, mais je ne connais pas encore la date exacte.

En 1876, la famille Noël, composée des parents et de trois enfants, était installée dans la maison de l’aubergiste Louis Ranc, rue du Pont. Les beaux-parents, Félix et Olympe Noncher, dans une maison voisine où habitaient aussi deux ouvriers bijoutiers ardéchois ayant 12 et 17 ans. La maison suivante, sur le recensement, était aussi une auberge, tenue par Louis Brolles.

Dans ce recensement on dénombre les professions déclarées de : 1 bijoutier, 2 ouvriers bijoutiers, 3 ouvrières chaînistes et 6 ouvriers chaînistes. On peut noter qu’un cultivateur est devenu ouvrier chaîniste après son mariage avec une ouvrière chaîniste qui s’est retrouvée ménagère… et qu’une ouvrière chaîniste était originaire des Vosges.

Les Noël, une famille de bijoutiers ! Louis Auguste, bijoutier, se marie en 1861 avec Eugénie Noncher lors d’une permission ; il était probablement mobilisé. Son père Jacques était orfèvre et la famille habitait dans le 20° arr.. Un bijoutier de 40 ans, Charles Lallement était présent lors de son mariage. A la naissance de sa première fille Maria Henriette en 1863, la famille habitait dans le 10°arr., et après le retour à Paris, au moment de l’installation d’Achille Legros comme directeur de l’atelier en 1880, elle s’est installée dans le 20° arr.. En 1898, pour le mariage de son fils Georges, né à St-Martin et bijoutier, un chaîniste, Henri Guérin et un bijoutier, Émile Vallée, étaient témoins. Louis Auguste est décédé à 82 ans, un an après sa femme, au 148 rue de Bagnolet, toujours dans le 20° arrr..

Il reste à retrouver les relations professionnelles qui existaient entre Louis Auguste Noël et Charles Murat installé 6 rue des Archives (4°). Ils ne sont pas de la même génération et Louis Auguste n’est donc pas le « vieux compagnon qui a formé le premier groupe d’ouvriers ». Ce dernier reste hypothétique mais rien ne prouve qu’il n’a pas existé. D’autres recherches, dans les recensements actuellement manquants, dans ceux de Paris, dans des annuaires professionnels conservés dans les archives parisiennes, etc., permettraient d’aller plus loin.

Les raisons qui auraient conduit Charles Murat à acheter des terrains à St-Martin alors qu’il se mettait à son compte, puis à y installer un atelier, restent encore inconnues ou hypothétiques. Il faudra d’autres éléments pour trouver le vrai point de départ qui a probablement pu naître lors de ses rencontres avec des hommes politiques Ardéchois à Paris.

Notes : 

- Lien vers l’exposition des Archives de l’Ardèche

https://archives.ardeche.fr/data/de_pliant_saison_web_v2.pdf

- Une photo du restaurant Ranc est visible dans l’ouvrage  L’industrie du bijou Tome 1  de Roger Dugua, page 53. Date de la prise de vue : probablement vers 1910.

- Actions du PNR en faveur du patrimoine industriel

https://www.parc-monts-ardeche.fr/les-actions-du-parc/culture-et-patrimoine/patrimoine-2/actions-patrimoine-industriel/

- On peut aussi ajouter L’Ardèche et ses « fabriques à soie » aux éditions La Calade de Joyeuse, 2020.

https://editionslacalade.com/27-livres-editions-la-calade-ardeche/368-l-ardeche-et-ses-fabriques-a-soie-editions-de-la-calade-ardeche.html

Illustrations

Carte postale : Saint-Martin-de-Valamas (Sur la ligne du CFD). Vue prise entre 1903 et 1910. Coll. personnelle.

Le quartier du Pont en 1840 (feuille G3) et 1968 (feuille AD). Cadastre de St-Martin, AD07. Une évolution qui reste à découvrir… et qui pourrait nous apprendre comment Charles Murat a développé l’actuel atelier du bijou et quelle était « l’usine projetée » de l’autre côté de la route et dessinée sur un document non encore daté. Pour cela il faudra plonger dans la matrice… la cadastrale pas celle du film dont le 4ème épisode doit sortir en décembre.

Jean Claude Ribeyre

le coin du râleur

Le retour de nos zainés

Dis papy, pourquoi t'es énervé ? Si si, t'es énervé. Depuis que le monsieur il a parlé dans le poste, t'es énervé. C'est parce qu'il a dit que t'étais vieux et que c'est pour ça qu'il fallait que tu te fasses vacciner une troisième fois ? Pourtant t'as dit que t'avais déjà un rendez-vous pour ce rappel. Oui, je sais papy, tu l'as déjà dit que t'es pas sénile, que t'as pas besoin qu'on te dise ce que t'as à faire. Faut pas te mettre dans ces états, tu vas encore pouvoir aller le prendre ton café au bistrot puisque t'es bien sage et que tu vas avoir ta troisième dose. Ben oui papy, c'est comme ça, après 65 ans t'es vieux, t'as raison, y a deux catégories de personnes, les normaux et les vieux, et toi, ça fait quand même un moment que t'es vieux ! Discrimination ? Ca veut dire quoi ? Que tout le monde n'est pas traité de la même façon ? Pourtant, à ton âge, t'aurais déjà pu t'en apercevoir. Oui, je sais papy, calme toi, c'est pas la peine que moi aussi j'insiste. Tu sais, le monsieur dans le poste il a l'air de tout savoir, c'est pour ça sûrement qu'il vient souvent parler à la télé. Et puis il a l'air de vouloir ton bien, il veut pas que tu sois malade, bien que tu ne serves plus à grand chose. T'es encore énervé ? Tu devrais faire attention à ton cœur, à ton âge !

Dis papy, tu crois que moi aussi un jour je serai vieux ? Ah, ça dépend. Tu penses que ça dépend de moi et de ma génération. Vous, vous ne saviez pas qu'en consommant vous détruisiez la planète. Ah oui, mais nous on ne pourra pas dire qu'on savait pas puisqu'on en sent déjà les effets

Merci papy et fais attention à toi en traversant la rue. (Surtout vers Sauveyre c'est dangereux !)

 

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux…

 

Georges Brassens (Avec la collaboration de Corneille)

François Champelovier

Stop ou encore

 

Les plus âgés de nos concitoyens se souviendront de ce jeu radiophonique musical du dimanche matin, des années 70, qui donnait un aperçu assez fidèle , même si parfois surprenant, de la popularité des vedettes du moment dans la France profonde. Pour les plus jeunes peut-être faut-il aussi rappeler ce qu'était la France Profonde. Non pas qu'elle ait changé, mais elle a changé de nom. En gros la France Profonde c'est cette France des sans grades, ceux qui ne disent jamais rien, ou pas grand-chose, mais qui constituent cette majorité silencieuse. C'est la France rurale ou en tout cas celle qui ne vit pas dans les 20 arrondissements parisiens mais plutôt dans la grande couronne, c'est la France qui se lève tôt, celle qui travaille et à qui on a appris que rien ne vient facilement et que rien ne leur est dû, c'est la France décrite dans « La Montagne » de Jean Ferrat, à la fois la France rugueuse de la campagne et celle du métro-boulot-dodo et du poulet aux hormones! Ce n'est pas la France des nantis, qu''ils soient nantis par l'éducation , l'intelligence , l'héritage ou l'hérédité, Ce n'est pas la France des premiers de cordée, mais ce n'est pas non plus la France des plus démunis ou des gilets jaunes ! En fait la France profonde c'est le ventre mou du pays, les 60% ou 70% de nos concitoyens qui sont et qui font le pays.  

Je vous dit cela parce que la prochaine élection présidentielle me fait penser à ce jeu . La question est Stop ou Encore ?

Stop à la Macronie ou encore 5 ans de plus de libéralisme décomplexé ? Enfin presque car la pandémie a prouvé que l'Etat Français , même libéral, reste le plus interventionniste du monde occidental!  Mais en tout cas il est décomplexé dans le verbe, « moins d'impôts c'est faire revenir les riches, et donc c'est bon pour les finances publiques » même si cela accentue les inégalités. 5 ans de plus et la fin de la réforme des ASSEDIC avec moins d'indemnisation et une tentative de gommer les effets d'aubaine, oui je sais le mot est mal choisi car il n'y a pas d'aubaine au chômage, mais aussi avec l'objectif assumé et décomplexé d'équilibrer les comptes de l'assurance chômage.  5 ans de plus et une vraie réforme des retraites qui garantisse l'égalité de droits devant la loi , qui est garantie par la constitution, et des vraies perspectives pour nos enfants et nos petits-enfants. Réforme décomplexée qui nous emmènerait très sûrement vers un régime universel en points( pour le coup très libéral) et un âge de départ à la retraite entre 65 et 67 ans, soit à +/- 80% de l'espérance de vie. Il y a 40 ans quand François Mitterrand a instauré la retraite à 60 ans, 60 ans représentait 85% de l'espérance de vie moyenne !  La Révolution française avait pour thème principal l'abolition des privilèges, gageons donc qu’ils auraient aboli les régimes spéciaux.  Encore 5 ans avec plus de pouvoir d'achat, lui qui a augmenté pendant le quinquennat pour la première fois en bien longtemps, même si les plus pauvres n’en ont pas ou peu profité, même si le gouffre entre le décile le plus riche et le décile le plus pauvre s’est agrandi, nous restons les champions mondiaux de la redistribution  ou STOP au nom de…. Au nom de quoi d'ailleurs ?

Dans cette fameuse émission radiophonique, on a souvent reproché la qualité de l'opposition à l'artiste. Si la rédaction voulait flatter l'artiste elle mettait en face un piètre opposant et vice versa. Donc ok pourquoi pas Stop!  Mais stop pour quoi et pour qui? L'offre est ridiculement déficiente et à ce jour en face du président sortant, le « encore », on a comme seul opposant potentiellement au 2ème tour, le Rassemblement National et … Zemmour, le Stop.

                   Oui j'entends les supporters d'Hidalgo ou de Bertrand dire qu'en 2017 Macron est arrivé de nulle part pour ramasser la mise et que les bouses se comptent à la fin de la foire ! 2017 était une situation extraordinaire à plusieurs titres. Le président sortant ne s'est pas représenté, et se faisant il a fait éclater la gauche, qui n'avait pas prévu de programme, laissant ce soin aux équipes du Président sortant, et elle ne s'en est toujours pas remise. La droite force d'opposition qui avait un vrai programme de droite est partie dans la campagne sûre de son fait , c'était la campagne qu'ils ne pouvaient pas perdre. Ils avaient passé 5 ans à travailler sur un programme, pour le coup celui-là était vraiment libéral, et ils avaient 3 candidats "naturels" et patatras la primaire a désigné Fillon, et quelqu'un…. a sorti tous les squelettes du placard. Mélenchon a fait illusion un certain temps, mais il a quand même beaucoup de mal à être crédible dans sa radicalité. Son charisme est indéniable, et même si je ne partage pas sa vision néocommuniste d’une société planifiée, son programme est construit, solide et par certains côtés intéressant, mais ses deux échecs ont prouvés qu’il n’était pas à même de rassembler la gauche comme un Mitterrand et son coté mauvais perdant que je rattacherai à son coté culte de la personnalité, fait plus partie de la tradition bonapartiste que de celle de l'extrême gauche et le rattache plus à D'Annunzio qu’à Trotski. Quant à Le Pen et à Zemmour , la première a, en surface, perdu sa radicalité sans gagner la respectabilité, quant à ce dernier, comment dire ?  les bras m'en tombent. On pourrait dire que la France s'est droitisée et qu'il répond du même phénomène que la candidature de Coluche en 1981. Celle du clown qui soudain se prend au sérieux et canalise un vote contestataire peu politisé .

Quand on regarde les candidats du Stop , on a énormément de mal à comprendre ce qu'ils proposent. C'est en fait le Encore avec un peu moins de ceci et un peu plus de cela, ou l'aventure radicale. 

            Cette fois le Président va se représenter, en tout cas il fait tout pour nous le laisser penser, et depuis 2017 la Droite dite républicaine ne s'est pas reconstruite, quant à la gauche, c'est toujours un champ de ruines. Oui mais les écolos me direz-vous. Il n'y aura pas de transition écologique, il ne peut y avoir qu'une révolution écologique qui ne rentre pas dans le schéma actuel des partis en présence, et qui sera totalitaire et sûrement pas sociale. Pourquoi ? Simplement parce que la France profonde n'en veut pas, ou plutôt si, elle en veut bien si cela n'affecte en rien son mode de vie ! Le Pen a récupéré la partie la plus radicale des LR , mais pas assez pour gagner un deuxième tour, et Zemmour représente cette Droite pétainiste, aussi celle de Marion Maréchal, celle d'une réaction droitière xénophobe, ultra catholique, anti européenne de cœur mais qui ne peut vivre qu'avec le grand Capital, qui, lui, suit ses intérêts, et ses intérêts sont définitivement pro européens et pas forcément xénophobes. En plus soyons honnêtes, le petit Prince du grand Capital est aux manettes depuis 2017, alors pourquoi courir le risque d'une aventure qui pourrait s'avérer catastrophique ? Pour satisfaire aux allégeances de l'arrière grand Père ? Sûrement pas, le grand Capital est beaucoup plus pragmatique et moins sentimental que cela.

            Donc pour conclure le "Encore", même si il lui manque une bonne dose de laïcité, de vision à long terme, de vision écologique et de vision sociale, et plein d'autres choses pour être parfait, n’a dans les "Stops" aucune opposition de poids. C’est regrettable pour notre démocratie et pour notre République. Par contre les législatives risquent d'être beaucoup plus intéressantes, et il serait surprenant que les Marcheurs aient une majorité pour gouverner, normal car ni à droite ni à gauche ils ne représentent pas un mouvement sociologique. A mon sens la gauche ne devrait pas trop s'en réjouir, car si elle n'est pas capable de construire un programme de gouvernement, avec une forte dominante écologique (celle des écolos d'aujourd'hui ,pas de ceux d'une révolution) et réformatrice,  ce ne sera pas elle qui tirera les marrons du feu en 2027. Quand aux écologistes, il devront être moins socialistes et beaucoup plus écologiste, si ils veulent avoir un impacte auprès des jeunes, et avoir une chance de peser dans le débat

 

Saint Martin de Valamas, l'Ardèche, la France seront ce que nous déciderons d'en faire

Régis L. Duchamp