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Le bloomer

Le bloomer

Une révolution vestimentaire et politique manquée ?

Peut-être pas !

Lors de recherches sur le système électoral municipal, on peut découvrir dans la presse ancienne des articles qui attirent l’attention, comme celui paru dans Le Journal d’Annonay du 3 mai 1884 sous le titre : « Les femmes aux séances du conseil municipal » :

« L’article 54 de la nouvelle loi municipale, relative à la publicité des séances, soulève une question assez délicate, celle de savoir si les femmes peuvent pénétrer dans la partie de la salle réservée au public. Aucune restriction n’a été faite pour le sexe faible, et les commentateurs de la loi les plus compétents, M. de Ramel entre autres, avocat au conseil d’État et à la cour de cassation, estime que les femmes doivent être admises.

En vertu de son pouvoir de police, le maire ou celui qui préside la séance peut exclure les perturbateurs ou ceux qui, manifestement, peuvent troubler les délibérations, tels que les enfants en bas âge. Mais il n’est pas nécessaire d’être électeur pour avoir accès dans le lieu réservé au public, et les femmes peuvent y entrer.

Que le beau sexe se le tienne pour dit et que les conseillers préparent leur plus gracieux sourire. »

L’article 54 était très simple et un peu laconique : « Les séances des conseils municipaux sont publiques. Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal, par assis et levé, sans débats, décide s'il se formera en comité secret ». Il n’était pas nécessaire de faire appel aux compétences d’un avocat au conseil d’État et à la cour de cassation pour savoir si « public » comprenait ou non les femmes… 

Aujourd’hui, les séances du conseil municipal sont toujours publiques (il n’y a plus de possibilité de comité secret), tout particulier peut assister aux débats du conseil municipal, qu’il soit électeur ou non, mineur ou étranger à la commune, sans avoir à justifier d’un intérêt quelconque pour accéder à la salle des séances. Mais dans la limite des places disponibles. À St-Martin il y a peu de places mais elles ne sont jamais toutes utilisées…

En continuant ces recherches sur le sujet « les femmes et les élections », j’ai trouvé, en dehors du département, le cas très particulier d’une élection de conseillères avant le droit de vote pour les femmes. Cette élection est relatée dans un article du Journal Populaire édité à Paris du 17 au 24 mai 1871 (article aussi signalé sur le site web du Journal 20 minutes), sous le titre « Les femmes conseillères » 

« Le suffrage universel a parfois de l’imprévu et du pittoresque dans ses manifestations, et l’on est tout ébouriffé, au dépouillement du scrutin, de trouver des bulletins de vote contenant tantôt des personnalités blessantes, tantôt des critiques amères contre l’administration locale. C’est ce qui est arrivé aux dernières élections municipales de la petite commune d’Artignemy, canton de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où l’on a nommé sept femmes pour conseillères municipales.

La commune d’Artignemy a 240 habitants. Où diable le Bloomérisme s’avise-t-il de faire invasion ? ».

C’est un peu surprenant, mais, à cette époque, il n’y avait un contrôle d’éligibilité qu’après le vote. Le signalement du Bloomérisme est tout aussi surprenant et énigmatique. D’où une nouvelle recherche !

A l’origine de ce mouvement on trouve un vêtement pour femme composé « d’une jupe courte pour ne point gêner la marche, et d’une culotte longue pour sauvegarder la pudeur ». Il a été popularisé en Amérique dans les années 1850 par Amelia Bloomer (d’où la désignation), une journaliste américaine, militante du droit des femmes et du mouvement pour la tempérance (contre la consommation d’alcool). Elle a aussi présenté, en octobre 1851, ce costume en Angleterre et de nombreux journaux français se sont fait l’écho des articles de ceux d’outre-manche. Cette révolution vestimentaire n’a pas vraiment suscité l’enthousiasme des foules et les femmes qui l’avaient adoptée ont « obtenu, dans Piccadilly, de ces succès honteux et ridicules » avant de se retrouver victimes de quolibets, de sarcasmes et même d’agressions. Des réunions de présentation en Angleterre ont même tourné au désordre…. et certains journalistes n’hésitaient pas à écrire que « la secte des bloomeristes » aurait fait des adeptes, à Paris, « dans les environs des boulevards de la Madeleine »… Cette initiative s’arrêta, sous la pression sociétale, vers 1860.

Que reste-t-il de cette aventure ?

- Un vaudeville

Le vaudeville, lui aussi oublié, de 1852, « Les Bloomeristes ou La réforme des jupons » n’a pas été salué par la critique. Un journaliste écrivait, en mars 1852, qu’il appartenait « à cette espèce de pièces pochades, écrites en huit jours, sous l'inspiration d'une idée, d'un costume à la mode ; le principal mérite est d'arriver à temps ».

- Un hommage et des pantalons (ou culotte) de vélo (ou de cheval)

Le Journal des débats politiques et littéraires (et d’autres journaux qui ont reproduit le même article) du 23 avril 1899 lui rend un hommage : « Il y a cinquante ans que la prophétesse du costume masculin pour femmes s'est révélée aux États-Unis ». Elle a été un peu oubliée mais « a fait jadis assez de bruit dans le monde ». 

L’article précise : « Le ‘bloomérisme’, après une assez longue éclipse, a reparu, grâce à la bicyclette; il n'y a de changé que les noms, la ‘bloomériste’ est devenue la ‘modern woman’ et le costume ‘Bloomer’ s’appelle maintenant ‘rational dress’ ».

Tout le monde n’était pas adepte de cette nouvelle mode puisqu’un chroniqueur sportif écrivait un an auparavant : « Aujourd’hui toute femme digne de ce nom, toute Parisienne soucieuse d'être dans le ton, et toute Française désireuse d’avoir quelque élégance, n’oserait enfiler une culotte, l’horrible, la hideuse culotte, sous prétexte de vélocipédie ».

- Un vêtement pour la plage et les enfants

On retrouve des vêtements « bloomer » dans la mode, dès les années 30, pour l’été, la plage ou le sport. Le bloomer, « une culotte blousante faite de manière à coller autour de la taille et au-dessus des genoux » se portait sous une jupe, généralement ouverte… Le bloomer devient en 1946 la « barboteuse dernier cri » qui habille aussi lien les jeunes enfants, garçons et filles, que les jeunes femmes « ayant de longues jambes minces ».

Dans les années 1950 cette culotte est nettement au-dessus du genou et devient ensuite de plus en plus petite pour les volleyeuses et, surtout, les joueuses de tennis… Ce qui a eu pour conséquence une augmentation du nombre de spectateurs lors des matchs.

- Des innovations en vêtements sportifs

Je vous laisse chercher quelles sont les évolutions dans ce domaine… et découvrir l’offre qu’il y a actuellement sur des bloomers de tout style encore bien présents dans les catalogues.

En guise de conclusion

En septembre 2023, sur son site web, le magazine de mode Harper's Bazaar posait la question « Qui a dit qu’une tenue de tennis n’était pas politique ? », en invitant les internautes à visiter les expositions :

- Mode et sport, d’un podium à l’autre, au Musée des arts décoratifs (jusqu’au au 7 avril 2024) ;

- La mode en mouvement, au Palais Galliera (jusqu’au 7 septembre 2025) ;

« Deux parcours riches de plusieurs centaines d'œuvres, de quoi plonger dans une histoire parallèle de la mode où la haute couture devient outil d’émancipation. »

La révolution vestimentaire relayée par Amélia Bloomer n’a donc été manquée qu’à son époque… et de nombreux autres références aux bloomers existent en Amériques (dont des équipes sportives féminines de Bloomer Girls depuis 1890 au moins) ; la dernière référence étant un ouvrage paru en 2013 sous le titre The Bloomers : Wise Women Creating a New World

JCR

Illustration

Évolution : 1850 costumes bloomers (celui de droite étant le plus extrême) - 1895 : Pantalon (ou culotte) pour le vélo - 1952 :  bloomer bouffant pour la plage. Sources : Wikipédia et Gallica.

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