Enfant, lorsque j'importunais des grandes personnes on me disait : « Va voir ailleurs si j'y suis. » J'ai profité de la période où les gens partent en vacances pour faire comme eux. Je suis allé voir ailleurs.
D'ailleurs, ailleurs je m'y suis retrouvé.
Mais il n'y avait pas que moi. Il y avait plein de gens. Des gens qui me ressemblaient : Deux jambes, deux bras, deux yeux et le nez au milieu de la figure et, en dehors de l'aspect physique, ils avaient l'air de vivre à peu près comme nous. Ils mangeaient, ils buvaient, ils dormaient, ils parlaient (des fois d'autres langues que la notre) ils lisaient, ils aimaient, ils faisaient des enfants et avaient plein d'autres activités qui ressemblaient aux nôtres.
En général, ils ne semblaient pas importunés par ma présence, bien au contraire, (personne ne m'a demandé d'aller voir chez moi si j'y étais) ils étaient curieux et voulaient savoir comment c'était ailleurs. Je leur expliquais mon pays, je leur parlais de mon village, de ses mœurs et de ses coutumes. Nous nous rendions compte que malgré quelques différences nous étions pareils. En somme, un peu comme les Saint-Martinois et les Cheylarois. (désolé, je ne peux m'en empêcher)
Et puis, ailleurs c'est bien mais une fois qu'on a vu qu'on y était, il faut bien un jour rentrer chez soi, car « Ailleurs » c'est le chez soi des autres. Ainsi vont les choses depuis que nous avons abandonné le nomadisme. On dit que Dieu a créé l'homme. L'homme, lui, a créé l'icilien et le pasdicilien.
Bien qu'ailleurs se soit bien, une fois de retour dans mon village je me suis quand même vite aperçu que mes amis m'avaient manqué. Ils étaient encore là. Personne ne leur avait dit d'aller se faire voir ailleurs, ou bien ils en étaient revenus. Et, s'il doit exister une différence, c'est bien celle-ci : ailleurs on fait des rencontres alors que chez soi on a des amis. Ailleurs, dans la rue, personne ne me dit bonjour, personne ne s'informe de ma santé, alors que chez soi faute de connaître les gens, on les reconnaît. Il est bon le matin en allant chercher son pain et son journal de pouvoir serrer la main à untel ou unetelle, de se donner des nouvelles : « Bonjour, ça va ? » « Bien et toi ? » « Alors, qu'est ce t'en penses ? » « Pas mieux ! ». On est content de retrouver son bistrot. Ailleurs il y a des bistrots, mais ce ne sont pas le notre, ici on connaît la patronne, on ne se gène pas, s'il manque une chaise on va en chercher une à la table à côté, si sur la terrasse la table n'est pas à l'ombre on la pousse ou on déplace le parasol. Allez faire ça ailleurs !
Enfin, ailleurs il n'y a pas « le village des musiciens » avec son festival. Alors, allons voir ailleurs de temps en temps et accueillons comme des frères et sœurs, ceux qui viennent d'ailleurs comme eux nous reçoivent quand on va chez eux. Amen.
François