Comme tout le monde, je fus soulagée le 11 Mai d’apprendre que la laisse qui m’avait été mise au tour du cou deux mois auparavant allait se détendre au-delà des 1km et 1 heure autour de mon domicile. Plus d’attestation de sorties. Mais attention ! Avec masque, gel et à distance raisonnable de mon alter ego !!! C’était mieux que rien !!! Je me précipitai dehors assoiffée de liberté de mouvement et de caresse de vent et de soleil sur mon visage.
Première étape, le tram. Les places condamnées étaient bien libres. Dans la zone à station debout, 8 macarons définissaient l’emplacement où le voyageur devait se tenir : respecté! Les masques étaient portés... Mais pas par tout le monde. Un pauvre hère (alcoolisé ou drogué ?) arpentait le train d’un bout à l’autre en gesticulant, vociférant, aux prises avec une violente colère, prêt à en découdre avec quiconque croisait son regard. Il hurlait, nous envoyant au passage moult postillons et gouttelettes. Si cet olibrius était porteur du Covid, nul doute qu’il était en train de contaminer toute la rame... Pas un agent de la RATP à l’horizon, ni de force publique nationale ou municipale. Allons ! Circulez ! Pour la plus grande joie du virus qui avait trouvé un terrain de jeu à sa mesure : un lieu clos et confiné.
Deuxième étape, le métro. Là, c’était la foire d’empoigne. Toutes les places assises étaient occupées, macarons ou pas, et dans la zone à station debout, nous étions au moins le triple du nombre autorisé. Il faisait déjà chaud et j’avais le nez dans les aisselles du grand type d’à côté qui se tenait, accroché, à la barre de maintien. Et pourtant, contre toute attente, je remerciai le Seigneur Covid qui m’obligeait à porter un masque. Je venais en effet de lui découvrir une protection olfactive à laquelle je n’avais pas pensé !!!
Troisième étape, le bus. Une zone était quasiment libre avec une seule personne assise, alors que le reste de l’espace était bien occupé. Je m’installai néanmoins et compris vite la situation. La personne en question était prise de quintes de toux incessantes et violentes. Comme elle portait un masque, elle devait se sentir invulnérable et donc ne prenait pas la peine de mettre sa main ou son coude devant la bouche. Je me levai aussitôt et fuis la zone à infestation possible, en espérant que le Seigneur cité plus haut ne me trouve pas à son goût.
Enfin dehors !!! Les terrasses des cafés avaient rouverts et étaient bondées. Il faisait encore 30 degrés en cet fin d’après midi. Le serveur courait en tous sens. Si les tables avaient bien l’air d’être espacées d’un mètre, le bistrotier avait oublié de prendre en compte la place qu’occupe le quidam qui s’y assoit. Je m’installai et constatai que le dos de ma chaise (et donc le mien) était à quelques centimètres de celui de mon voisin de derrière !!! Il n’avait donc rien compris! La distanciation physique, ce n’est pas pour les tables mais pour les humains !!!
Et puis, j’assistai à cette saynète qui en disait long sur la compréhension ubuesque de la situation sanitaire actuelle. Trois jeunes filles étaient attablées, dehors bien sûr, masquées (alors que ce n’est pas obligatoire dans l’espace public et que, boire un mojito avec un masque, ce n’est pas des plus pratique !!!). Un copain vint à passer... Chacune se leva à son tour, ôta son masque, lui claqua deux bises et ... remit son masque ??? Garçon ! Et un grand cours de pédagogie sur la pandémie pour la table trois s’il vous plaît !!!
Je terminai mon périple par une balade, rue de Rivoli, de la Concorde à l’Hôtel de ville en passant par le musée du Louvre. Notre encore Maire (jusqu’au 28 juin) avait décidé de dédier toute une portion de cette rue aux vélos et autres deux roues. Faut-il préciser ici que les chinois ne nous ont pas envoyé qu’un virus, ils nous ont aussi transmis un effet collatéral du virus, à savoir l’utilisation massive du vélo. J’assistai donc pour la première fois à ... un embouteillage de vélos !!! Si vous êtes comme moi, vous n’avez vu ça qu’en Asie et à la télé. Mais à Paris ??? Pas de panique ça arrive... A l’intersection avec la rue du Général Lemonnier, je vis un enchevêtrement de vélos, motos, scooter, trottinettes, patins à roulettes, le tout dans un brouhaha de klaxons et d’invectives. La pauvre préposée à la circulation ne savait plus s’il fallait étendre les bras direction Nord/Sud ou Est/Ouest ! Car voyez-vous, un parisien reste un parisien. Qu’il ait entre les mains un volant ou un guidon, quand il est sur la voie publique, il n’obéit qu’à une seule règle : au feu vert je passe, au feu rouge... je passe aussi !!!
Et que dire de cette plaisanterie de Bernard Pivot qui, répondant à un journaliste qui lui demandait s’il portait un masque, s’écria : » Oh! mes oreilles accueillent déjà mes branches de lunettes, mes appareils auditifs en leur creux, et en plus il faudrait y ajouter un masque ! J’en ai marre qu’on les prenne pour des porte-manteaux ! »
Citadinement votre.
Evelyne Colloud Chomarat