14 Juillet 1789
"La nouvelle distribution de la Richesse appelle une nouvelle distribution du Pouvoir," écrit l'avocat d'affaires Barnave en 1788. On est en effet passé d'une domination de la fortune immobilière, foncière, aristocratique, à celle des entrepreneurs, des banquiers, des négociants. Or il n'est pas question pour la roture enrichie de prendre les armes. Pour la première fois, la municipalité bourgeoise de Paris va donc appeler le Peuple à la violence : le 13 juillet, on distribue au petit peuple des armes sorties de l'hôtel des Invalides - un millier de fusils, de la poudre, deux canons. On les dirige sur la Bastille, symbole vide de l'autocratie, qu'ils prennent comme bien on sait. Effrayé, Louis XVI rappelle au pouvoir le banquier suisse Necker et la bourgeoisie se persuade que la monarchie constitutionnelle qu'ils appellent de leur vœux redevient possible. Toutefois, comme dira Barrès, "la première condition de la paix sociale est que les pauvres aient le sentiment de leur impuissance." Aussi, le 15 juillet au matin, la municipalité de Paris, dirigée par Lafayette, organise le rachat des armes. Un fusil au prix de deux journées de travail. Le peuple est désarmé. Pour rétablir un ordre un instant fragilisé, Lafayette propose le 16 juillet la création de la "milice bourgeoise", bientôt rebaptisée Garde nationale, dont l'équipement coûte 90 journées de travail, ce qui en écarte évidemment prolétaires et artisans. On peut dès lors se pencher sur la fabrication d'une constitution : le 14 juillet 89 a joué son rôle - on l'efface.
14 Juillet 1790
"Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui et le gouverne" : telle est la formule politico-morale de Voltaire qui guide la plupart des constituants - les robespierristes mis à part. Et la Constitution se construit selon ce principe. Parallèlement sont instituées dans les provinces des gardes nationales, chargées de tenir en respect la plèbe campagnarde, comme à Paris elle sert de supplétive à la police et à la troupe. Le 14 juillet 1790, dans une ironique commémoration de la prise de la Bastille, va se tenir à Paris une grande cérémonie : la fête de la Fédération. C'est alors, selon Michelet par exemple, que se fonde réellement l'unité nationale, la Patrie (pré)républicaine. Quels en sont les participants ? Des badauds, bien sûr, mais avant tout de larges délégations des gardes nationales de toutes les provinces, de toutes les villes, qui se réunissent en armes sur le Champ de Mars, sous l'égide de la Croix embandelettée de bleu-blanc-rouge et défilent à travers Paris avec fusils et canons : il s'agit de bien faire comprendre aux "citoyens passifs" (Sieyès), qui ne payant pas l'impôt n'ont pas le droit de vote, où se trouve le pouvoir politique. Montant à la tribune de la Constituante, Robespierre déclare : "C'est aux classes fortunées que vous voulez transférer la puissance ! Vous voulez diviser la Nation en deux classes, dont l'une ne sera armée que pour contenir l'autre."
C'est bien cette parade, et non la prise de la Bastille, qui sera déclarée Fête Nationale par la loi Raspail du 6 juillet 1880 : ce que Guillemin appelle "le premier congrès armé de la bourgeoisie".
Article envoyé par Jacques Lardreau