C’est vraiment une lubie d’un vieux prof à la retraite que de parler d’école, en pleines vacances, avant même que les promotions sur les cartables ne soient lancées. Vieux peut-être mais pas assez pour avoir connu le bac en deux parties : un examen en 1ère et un en terminale, avec pour chacun un écrit et un oral. Quatre bonnes raisons d’avoir plusieurs matins de stress pour les élèves de lycée et des chances « de se planter ». Il y avait cependant une session de rattrapage en septembre avec écrit et oral. Elle a été remplacée par un oral de rattrapage, en juillet, pour diminuer le taux d’échecs.
J’ai par contre connu un bac avec écrit et oral en section MT (Mathématiques et Technique, ou plus populairement math et tech) qui a pratiquement mon âge. Il y avait aussi les bacs « math-élém » (Mathématiques élémentaires devenu C), « sciences-ex » (sciences expérimentales devenu D et D’) et « philo ». Nous n’avons jamais su qui, des math et tech ou des math-élém, étaient les meilleurs en math, mais en technique nous étions vexés de faire plus d’heures de cours que les autres à cause des matières techniques.
Au fil des réformes et des lubies des ministres de l’éducation ce bac est devenu E avec un programme en mathématiques pouvant être qualifié de plus scientifique. Ensuite il s’est facilement transformé en un bac scientifique S avec l’option science de l’ingénieur. D’autres bacs, technologiques cette fois et non techniques, ont vu le jour et fait le désespoir des parents perdus dans les très nombreuses options F, G et H, puis ST... et « bac pro » ! On entre dans la période « multi-bacs ». Encore une méthode pour avoir plus de bacheliers ?
Parmi les réformes du bac, toutes n’ont pas fait l’objet de contestations ou la une des médias. Celle qui a permis le passage du bac E au bac S option sciences de l’ingénieur a été bien accueillie par les profs des matières techniques. Ils ont même accepté de se former (en dehors de leurs heures de service et pendant longtemps) pour la mettre en œuvre. L’option science de l’ingénieur qui était proposée dès la seconde était basée sur trois idées : l’analyse, l’observation et l’expérimentation dans des domaines pluri-techniques (mécanique, électricité, électronique et informatique). En parallèle les bacs math-élém et sciences-ex se sont transformés en bac S option sciences et vie de la terre.
Deux bacs assez bien conçus qui devaient mener les bacheliers vers des études scientifiques et des écoles ingénieurs. Complètement raté ! Le gouvernement l’a ensuite bien compris. Ces bacs sont devenus des « tickets moultipass »1 qui ouvrent à peu près toutes les portes. On conseille même aux « bons élèves » de préparer un bac S même s’ils ne sont pas « bons en sciences ». Ils décrochent alors l’examen avec les autres matières et s’orientent vers des carrières non scientifiques. Un bac devenu élitiste 2 suivant le ministre avec pourtant une baisse de niveau en matières scientifiques et techniques.
On peut être en accord avec certaines analyses du ministère et se demander si la bonne solution aux problèmes de l’enseignement est de tout balayer pour mettre en place, au plus vite, un nouveau système dont on voit déjà les limites. Juste pour mon pré carré : les sciences de l’ingénieur ne font pas partie des spécialités qui doivent être accessibles pour chaque lycéen de la voie générale dans un périmètre dit «raisonnable ». Une logique qui ne répond pas au manque cruel de scientifiques (surtout d’application) que l’on connait depuis longtemps. Faudrait-il chercher ailleurs les raisons du choix du ministère ?
Mes autres bacs ?
Ceux là je les ai « fait passer » en tant que surveillant, correcteur, examinateur ou rédacteur de sujet, sous la houlette des inspecteurs soucieux d’augmenter, chaque année, le pourcentage de réussite. Peut-être qu’un jour je vous raconterai pourquoi un de mes élèves m’a demandé « M’sieu, pourquoi j’ai eu 20 en mécanique alors que je n’ai pas fait toutes les questions ? ».
Jean-Claude Ribeyre
1 - J’ai un faible pour le film « Le 5ème élément ».
2 - Les profs qui se considéraient comme bons voulaient aussi enseigner dans cette section.