Novembre 2022
Cette semaine, pas de médecin à Saint-Martin. On ne se plaint pas, il y en a 3 au Cheylard et 3 à Saint-Agrève. Non, nous n'avons pas à nous plaindre. Les déserts médicaux existent mais pas dans notre communauté de Communes. Il suffit de faire quelques kilomètres.
Un de ces six médecins veut bien me recevoir, il m'examine et appelle une ambulance. Arrivé à destination, sur la porte d'entrée il y a marqué « Urgence ». A l'intérieur, aucun signe d'urgence. Calme plat. Pas d'agitation. Par contre, comme on le voit à la télé, ou dans des films, des brancards dans un couloir sont alignés le long du mur et semblent attendre depuis longtemps. Les brancardiers me déposent derrière le dernier de la file. A la queue, comme tout le monde. De temps en temps un brancard disparaît, emmené par un infirmier ou une infirmière. Au suivant. Je suis là depuis deux heures lorsqu' à 16H on vient me chercher pour m'entreposer dans une salle de soin. Ne pas se plaindre, on va s'occuper de moi. On connaît le problème. Manque de personnel. J'attends une heure puis, un médecin et d'aimables infirmières me procurent quelques soins avant de me ranger à nouveau dans la file du couloir. Je ne veux pas me plaindre, néanmoins, je fais remarquer qu'il est 18H et que je n'ai ni bu ni mangé depuis ce matin 8H. « On va vous mettre dans une chambre, là vous allez avoir tout ce dont vous avez besoin. ». 20H, toujours dans le couloir. Il paraît qu'en France, aux urgences des gens meurent dans les couloirs, sur des brancards. Le personnel hospitalier fait ce qu'il peut. On est au courant de leur situation. Manque de personnel, pas assez de lits. C'est bien pour cela que nous ne nous plaignons pas. On sait aussi ce qu'ils ont subi avec la pandémie, on les a même applaudi pour leur courage et leur dévouement, alors maintenant nous n'allons quand même pas les embêter. Les économies sur le système de santé, ce n'est pas leur faute. 21H, toujours dans le couloir, nous sommes moins nombreux, personne n'est mort. Une dame dit à un infirmier qui passe qu'elle voudrait bien sortir, que quelqu'un vient la chercher. « On va venir, madame, on ne peut pas être partout en même temps. » La dame ne se plaint pas. 22H, il ne reste plus que moi dans ce couloir dont les néons pourraient me permettre de lire, mais je n'ai pas prévu de livre. A une infirmière qui passe en me regardant me semble t-il avec quelques lueurs de pitié dans les yeux je fais gentiment remarquer que si je dois passer la nuit là, peut-être pourrait-on me mettre à un endroit où il y a moins de lumière. " Vous allez bientôt aller dans une chambre.". 23H30, Je suis dans la chambre. On me transvase dans un vrai lit, on éteint les lumières. Bonne nuit.
5H du matin, j'ai mal. Ne pas se plaindre. J'appelle quand même une infirmière. 8H00, petit déjeuner. Ni bu ni mangé depuis 24h. 10H, un médecin passe. " Comment vous sentez-vous ? avez-vous besoin de quelque chose ? " " Merci, ça va, je voudrais rentrer chez moi." ( je ne veux quand même pas surcharger le service) " Très bien, on vous fait les papiers et vous pourrez sortir." 14H, un taxi vient me chercher. Le temps est beau, les paysages aussi, les couleurs automnales sur le plateau sont à leur apogée. Le chauffeur du taxi ne se plaint pas non plus. Depuis la disparition des petits hôpitaux, des maternités, les affaires marchent.
Merci au personnel hospitalier.
François Champelovier