Si la première disparition dans le triangle des Bermudes n’est pas connue, le premier accident dans le soi-disant triangle de la burle est connu avec de nombreux détails, plus ou moins véridiques, et a été largement commenté dans la presse. Il a eu lieu au nord-ouest de St-Agrève le matin du 3 juillet 1865 suivant une dépêche télégraphique venant d’Yssingeaux… C’est le premier des « drames aériens dans le département de l’Ardèche » recensés par Paul Mathevet, auteur d’ouvrages sur l’histoire de l’aviation (Plus d’informations : https://drames-
aeriens.monsite-orange.fr et http://www.slhada.fr/ )
Il s’agissait seulement d’un atterrage (terme de l’époque) imprévu et un peut rude d’un ballon dont l’ascension avait eu lieu la veille à Lyon lors d’un événement festif, grandiose et cérémonial annoncé à grands renforts de publicité par le célèbre Nadar. Cette ascension devait « créer, avec le produit des recettes, le capital d'essais de sa Société,
qui fonctionnait depuis deux ans ». Nadar, caricaturiste, écrivain, aéronaute et photographe français, se définissant comme « casse-cou et touche-à-tout », s’était lancé dans l’aventure des ballons et a réalisé en 1858 la première photographie aérienne… Il avait aussi fondé une « Société de recherches pour la Navigation Aérienne par les appareils plus lourds que l'air ».
En 1863, il fit construire Le Géant, un immense ballon de 40 ou 45 m de haut avec une nacelle à deux étages, où
neuf personnes pouvaient prendre place. Le premier vol a eu lieu à Paris le 4 octobre 1863 devant 250 000 personnes. D'autres ascensions ont eu lieu dont celle de Lyon le 2 juillet 1865 qui conduira à un atterrage à Fouans d'Astier (ou Champ d’Astier ?) sur la commune de Saint-Agrève.
Les lecteurs du Courrier de la Drôme et de l’Ardèche ont pu lire, le 5 juillet, le reportage complet sur le gonflement du ballon, commencé vers 13 h 30, et son envol qui a eu lieu peu après six heures du soir. Il précise : « Justement, le ballon se dirige vers le côté sud de l'Hippodrome, à l'extrémité des places réservées. Il y a là des dames en grande toilette, des messieurs perchés pour mieux voir sur des chaises. En un clin d'œil tout le monde s'est jeté de côté pour n’être pas froissé ou contusionné au passage. Des cris de frayeur se font entendre, on se culbute quelque peu, mais en somme aucun accident ne s'est produit, et le Géant, orgueilleux et triomphant s'est élevé dans les airs au milieu des applaudissements de la foule » .
La presse a aussi suivi toute l’aventure avec plus ou moins de précisions en fonction des informations, pas toujours concordantes et véridiques, recueillies auprès de témoins qui auraient aperçu le ballon… Balloté par des vents changeants et sans moyen pour se diriger, le ballon, parti en direction du sud, s’est ensuite dirigé vers les Cévennes puis le Mézenc avant de « toucher brutalement le sol au nord-ouest de Saint-Agrève ». On raconte que
« dans son atterrissage chaotique il a brisé 70 pins, ce qui coûtera fort cher à Nadar, la municipalité de Saint- Agrève ayant décidé de lui présenter la facture des dégâts ».
Les réactions des habitants, à la vue d’un ballon dans les airs, ont été variables et certains ont eu une réaction de défiance ou de défense ! Dans certains articles de presse il est question d’une « vingtaine de coups de fusils qui été tirés sur nous pendant le trajet », dans d’autres, des habitants de St-Agrève protestent énergiquement « contre tous les détails donnés…qui n'ont aucun fondement solide ; ils ne sont pas même vraisemblables ».
JC
Notes
- Le véritable nom de Nadar est Félix Tournachon (né en 1820 et décédé en 1910). Sa première photographie aérienne est introuvable…
- Pour les Archives départementales de l’Ardèche, l’année 2023 marque les 240 ans du premier vol aérostatique officiel de l’histoire, le 19 septembre 1783 à Versailles. Depuis cette date de nombreuses expériences, vols, voyages en ballon ou aérostats ont fait l’objets de récits, reportages ou même romans d’aventures (Cinq semaines en ballons de Jules Vernes, paru en 1863, par exemple).
- Renaud Benoist a publié le tome II de son ouvrage « En quête du Triangle de la Burle » début juin 2023 et un journaliste a interprété ce triangle comme étant une « zone 51 française ».