Au hasard d’une recherche généalogique j’ai trouvé un acte d’état civil mentionnant, pour un habitant d’Arcens, la profession de « gargotier ». C’est un peu surprenant puisque l’expression est péjorative. Le site du centre national de ressources textuelles et lexicales du CNRS donne la définition « petit restaurant bon marché où l'on sert des plats peu délicats ou de mauvaise qualité », en citant en exemples plusieurs extraits d’ouvrages parus entre 1833 et 1932. Cependant la fréquentation de certaines gargotes fut, pendant un temps, un effet de mode. Les bourgeois aiment de temps à autre s’encanailler (voir certaines publicités de parfums… par exemple).
Dans les recensements et documents d’état-civil, certains renseignements personnels comme le métier d’une personne sont des déclarations volontaires (1) non vérifiées et non vérifiables par le recenseur ou l’officier d’état civil. D’un document à l’autre ou d’une année sur l’autre, il peut y avoir des différences ou des variations qui ne sont pas toujours dues à un changement professionnel. C’est surtout le cas pour les professions liées aux débits de boissons, à la restauration ou au transport par un voiturier (avec une charrette à bras ou attelée), au cours du 19°siècle.
Henri Blanc d’Arcens, marié à Marie Delavis de St-Martin et habitant la maison dite chez l’abbé (2) près de l’église, donne en septembre 1844 la profession de « gargotier » lors de la déclaration d’un décès, alors qu’il se disait plus habituellement cabaretier (on dirait aujourd’hui cafetier). Henri Blanc a déclaré chronologiquement les professions de : cultivateur, cabaretier, gargotier, cabaretier et cultivateur, entre 1839 et 1866.
Ce n’était pas le seul gargotier en France ou en Ardèche.
Durant la même époque on trouve, par exemple :
- Jean Joseph Merle, Les Salelles près des Vans : gargotier, cabaretier et cultivateur ;
- Pierre Avouac, Usclades-et-Rieutord : cultivateur, aubergiste, cabaretier, gargotier ;
- Etienne Martin, Beaumont, près de Largentière : gargotier et aubergiste ;
et, plus surprenant, Jean Jacques Blanc de Champis, près d’Alboussière : boulanger et gargotier (3).
Henri Blanc aurait-il commencé à proposer une « restauration » ? Sa position devant l’église pouvait être favorable. Voulait-il se démarquer des autres cabaretiers ? Cette appellation n’avait probablement pas, loin des gargotes des halles de Paris ou de ses faubourgs, une connotation dévalorisante.
On peut cependant supposer que lorsque Henri Blanc approchait de ses 65 ans, son commerce n’était pas florissant puisqu’il a loué une partie de sa maison à la commune pour qu’elle y accueille « l’instituteur et ses élèves » de 1862 à 1873, puis de 1877 à 1886. La période sans location a été due à un incendie et à une reconstruction de la maison.
La proximité d’une école et d’un café dans un même bâtiment produirait sûrement quelques remous aujourd’hui… Il y a 150 ans ; aucun ! Il fallait bien trouver un local pour l’école… et cette maison avait peut-être déjà accueilli une école « payante » en 1833 (suivant l’enquête nationale sur les écoles). Il y est précisé : « l’instituteur, âgé de 37 ans, s’appelait Louis Blanc et n’avait pas de traitement. Les effectifs moyens étaient de 40 élèves en hiver et 15 élèves en été ».
Il y a d’autres professions surprenantes par leur désignation ou leur présence dans nos Boutières, telle que celle de liquoriste (4) à St-Martin en 1891, en restant dans le domaine des boissons.
A suivre…
JC
Notes
1 - Voir le recensement de la population de St-Martin qui se déroulera du jeudi 18 janvier au samedi 17 février 2024.
2 - Cette maison est dite chez l’abbé car un abbé dénommé Blanc, et probablement célèbre, y a habité bien avant 1862.
3 - Suivant une recherche sur le site de généalogie Généanet.
4 - Un vendeur ou un fabricant de liqueurs.
Photo. La maison où Henri Blanc tenait cabaret porte encore la trace d’une enseigne. Photos d’août 1995 et de décembre 2018. Il y a eu un élargissement de la rue et la croix a été déplacée. Cette maison est actuellement en rénovation.