Non ce n’est pas un poisson d’avril mais une réalité ardéchoise. Il était bien tentant de parler de cette source d’eau minérale entre le 1er avril et la chasse aux œufs de Pâques. Voici quelques éléments pour découvrir, incomplètement pour l’instant, son histoire.
Elle est située à St-Mélany, en Ardèche cévenole. Le site de la commune donne quelques explications sur la géologie locale et la présence de la source dont voici un petit extrait : « A Saint-Mélany, la source de l’œuf montre la particularité, très rare en Ardèche, d’avoir une odeur d’œuf pourri (d’où son nom) à cause du dégagement d’hydrogène sulfuré ». Cependant La Gazette des eaux du 10 janvier 1878 précisait qu’elle « est claire, limpide, incolore et a l'odeur de l'œuf cuit (ne pas confondre avec l'œuf pourri) ».
Le Bulletin de la Société des sciences naturelles et historiques de l'Ardèche a publié en 1866 une notice de l’abbé Mollier qui a découvert, ou plutôt redécouvert, cette source, lors d’une course rapide à St-Mélany. Un habitant qu’il a questionné sur les curiosités du pays lui « parla, d'une manière vague, presque mystérieuse, d'une fontaine dont les eaux jaunâtres, glaireuses, écumeuses, sentaient les œufs gâtés, et guérissaient une foule de maladies, quand on avait soin de les prendre à jeun, et de les recueillir avant le lever du soleil ». Sa localisation a été difficile à atteindre, le terrain étant très accidenté.
Elle est située sur la rive gauche du torrent de Pourcharesse ; l’abbé la localise à « douze cents ou quinze cents mètres seulement du chemin d'intérêt commun tracé sur le bord de la Drobie, qui se trouve, en un lieu désert et presque inaccessible, la fontaine dont je veux parler. Je dis en un lieu presque inaccessible, et c'est ce qui explique l'oubli dans lequel elle est demeurée comme ensevelie ».
Localisation de la source de l’Œuf de St-Mélany. Fond de carte IGN Géoportail.
La demande d’exploitation déposée par messieurs Jansson et Mollier « pour le service médical les eaux de la source ferrugineuse dite de l’Œuf » est arrivée à l’Académie de médecine fin août 1875 et l’autorisation délivrée par l’Académie le 29 août 1876 pour deux sources nommées la Justice et Barégine avec la conclusion : « Cette eau diffère totalement des eaux généralement utilisées dans l'Ardèche; son caractère sulfureux peut la faire avantageusement employer comme boisson ».
L’arrêté d’autorisation date du 21 septembre 1876. L’eau de cette source a eu une certaine considération puisqu’elle a fait l’objet d’analyses, de tests ou d’essais par les médecins d’hôpitaux thermaux militaires de la Marine ; celui de Saint-Mandrier-sur-Mer (Var) en 1891, puis celui de Brest (Finistère) en 1896. Elle a aussi été présente lors de l’Exposition universelle internationale de Paris, en 1878, dans la partie collective des eaux minérales de France et le catalogue officiel la définissait ainsi : « SAINT-MÉLANY, arrondissement de Largentière (Ardèche) ; région du Sud-Est. n°33. Mollier (O.) et Jaussen (J.), à Montréal, par Largentière. Sulfureuses ; bicarbonatées sodiques ; débit journalier moyen, 28,800 litres ». Elle a aussi été présente aux expositions de Genève et de Reins en 1889 et de Lyon en 1891.
Une étiquette de l’eau minérale de la source de l’Œuf
Nous n’avons pas encore trouvé d’informations sur son exploitation qui a, semble-il, été très artisanale, mais la source est signalée dans plusieurs ouvrages relatifs aux eaux minérales, à l’hygiène, au thermalisme ou au tourisme. Des encarts publicitaires ont été présents dans de nombreux journaux. On ne sait pas si sa diffusion a été importante et organisée sur un large territoire, mais elle eu un agent dans le département de la Côte-d'Or en 1888.
Voici la description de cette eau dans le Dictionnaire universel des eaux minérales, des bains de mer et des stations hivernales, hydrothérapie, maisons de santé de la France et de l'étranger, historique, biographique, pittoresque, anecdotique et scientifique de 1884 :
Saint-Mélany - Département de l’Ardèche, à 40 kilomètres de Vals-les-Bains et de Saint
Laurent-les-Bains. Eaux sulfurées sodiques - Source de l’Œuf. Carbonate de soude, 0,324 ;
chlorure do sodium, 0,075 ; sulfure de sodium, 0,050, etc. ; au total, 0,554. Eau d’exportation, gare expéditrice : Ruoms ou Aubenas. Usage en boisson, pulvérisation, injections, gargarismes. Eaux employées avec succès contre les affections du larynx, des bronches, des poumons; phtisie pulmonaire. Unique contre diarrhée, dysenterie, cholérine, diarrhée des enfants, diarrhée des pays chauds (Cochinchine).
Se vend par caisses de 2 demi-litres (colis postal), de 2 litres et de 25 litres.
Fermier-expéditeur : E. Jaussen, à Montréal, près Largentière.
Les débits annoncés pour les deux sources par les divers documents consultés sont compris entre 200 et 288 hectolitres par 24 heures.
Une des dernières publicités parue dans La Croix de l’Ardèche du 1er décembre 1901.
La source appartenait alors aux Frères Maristes ; un don de l’abbé Mollier.
Pour l’instant, on perd sa trace à partir de 1925 (elle est évoquée dans le supplément « spécial Ardèche » de l’Illustration du 26 décembre 1925) jusqu’à la révocation de son autorisation publiée au Journal officiel du 8 février 1956.
La commune de St-Mélany a en projet de publier, sur son site web, une histoire plus détaillée de cette source.
Nous vous signalerons cette parution.
JC