Nous avons publié dans le précédent numéro un relevé de Marie Norcen reproduisant une note de Joseph-Louis Abrial juge de paix à Saint-Martin de 1821 à 1830. Dans ce même récit il parle de son père Jean-Pierre Abrial. Voici ce qu'il en dit :
" Mon père Jean-Pierre Abrial, avant de prendre la justice de paix de son père accepta la mairie en 182O sur la demande du préfet, qui l'en pria vivement, mais il ne l'occupa que pendant 5 ans ayant été nommé juge de paix en 1829, mais son oncle, qui habitait avec nous lui succéda et resta maire jusqu'en 1850. (…) Mon père pendant qu'il occupa ce poste à la mairie fit de grandes améliorations, soit au cimetière, place publique, soit à nos pauvres chemins ; On ouvrit enfin une mauvaise route vers le Cheylard commencée sous la révolution ce qui permit aux charrettes d'arriver à Saint-Martin soit du côté du Cheylard soit du côté de Saint-Agrève. Il fit ouvrir la mauvaise route de Saint-Agrève à travers la montagne, du côté de Lavis à l'aide d'une équipe de cantonniers.
A cette époque il n'y avait de cantonniers nulle part, mais seulement les escouades de volontaires composées de 200 et même 500 hommes ! L'une d'elle a ouvert la route du côté de Crezenoux et Grateloup, mais dirigée par une personne qui connaissait mon père ; Pour lui faire plaisir il appliqua ces 500 hommes à l'ouverture de la route sur Saint-Agrève pendant 8 jours, ce qui permit d'arriver en voiture. Mgr de Mons qui passait, voulut bien remercier mon père. Vers 18.. à la même époque une première voiture arriva du côté du Cheylard.
Quand j'étais enfant, les jeunes de saint-Martin nous disaient que c'était mon père qui avait fait beaucoup d'améliorations à la commune de Saint-Martin pendant qu'il était à la mairie.
Puis c'est mon père, qui comme conseiller général en 1831 ou 1832, époque où on institua les conseils généraux par un membre dans chaque canton qui ne tarda pas à obtenir le classement de la route sur Fay le Froid, où l'on accédait qu'à grand peine par de petits chemins. Placé au bord du département, nul autre canton ne tendait la main à celui de Saint-Martin, mais un jour vint à la maison ayant suivi ce mauvais sentier, Charles Combier cousin germain de ma mère. Elève ingénieur attaché à l'ingénieur des chemins du Puy, tout jeune homme sorti de Polytechnique qui, causant de cette triste voie d'accès promis à mon père d'intéresser la Haute-Loire à l'ouverture d'une route entre Saint-Martin et Fay, ce qui ne tarda pas d'avoir lieu et qui ouvrait à notre canton un accès sur la Haute-loire. Mais les travaux s'exécutèrent lentement car à cette époque le département ne faisait point d'emprunt et l'argent manquait. Cette route fut classée route de grande communication n°..... Vers la fin de l'empire on a classé la route d'Eyrieux comme route nationale se dirigeant de Saint-Martin à Saint-Agrève par Saint-Julien-Boutières et allant aboutir à Lavoulte-sur-Loire."
« Jean-Pierre Abrial, jeune licencié en droit en 1814, fut nommé par le peuple, commandant de la force cantonale, avec ordre de se transporter sur les bords du Rhône pour s'opposer à la marche des Autrichiens, mais la défaite de Waterloo survenant il n'y eu pas lieu de marcher mais ce qui est étrange, c'est qu'en 1815 ? quand on organisa la garde nationale, mon père ne reçu aucun grade ; un an ou deux après M. Chambon de Contagnet, médecin, qui habitait la Charrière, commune de Saint-Michel d'Aurance étant décédé, M. de Voguë, général de la garde nationale de l'Ardèche le nomma capitaine rapporteur pour le canton de St Félicien, du Cheylard et de Saint-Martin.(Cet oubli était l'oeuvre de la jalousie) La bourgeoisie de Saint-Martin était très hostile à notre famille. Mais celle du canton et le peuple nous ont toujours été très favorables."
Joseph-Louis Abrial parle également de sa famille :
"Après deux ou trois générations de notaires, les générations suivantes ne voulurent plus remplir cette fonction afin de ne pas déroger, car le notariat était considéré comme peu honorable (…) mais les villes en général achetaient des privilèges du gouvernement, qui permettaient ainsi de remplir cette fonction sans dérogation, notamment le parlement de Toulouse encourageait beaucoup ces faveurs (voir le dictionnaire pratique avant 1789).
Henri Abrial, le frère de celui qui vint s'établir à Saint-Martin, se fixa à Arcens comme notaire, ainsi que son fils, son petit fils acheta la charge de procureur du roi, eu la maîtrise des Eaux et Forêts et de conseiller du roi en la Sénéchaussée de Villeneuve de Berg. C'était un homme très intelligent. Quand la révolution eu supprimé la Sénéchaussée, il habita tantôt Montélimar pays de sa femme qui appartenait à une famille très honorable et assez fortunée, tantôt à Arcens.
Vers 1800, M.Abrial son cousin germain ou issu de germain étant devenu ministre de la justice* il l'appela auprès de lui comme secrétaire particulier. Quand il abandonna cette situation il fut nommé dans les Hauts et Forêt où il occupa une position très belle et lucrative, mais aimant s'amuser il trouva cette situation trop pénible et demanda la place de vice président du tribunal de Privas qui était vacante et où il fut nommé. Il y resta une dizaine d'années et donna sa démission en 1814, au retour de l'île d'Elbe de Napoléon, joua un rôle en ce moment, puis se retira complètement des affaires et habita Montélimar et souvent Arcens. Sa demeure était située au dessous de la cure. Il avait pris le nom de son père en qualité de seigneur d'Issas ; Abrial d'Issas ; c'était un grand ami du seigneur de Jovizac ? Avec qui il mena une vie désordonnée et se ruina. (…) Pendant qu'il était vice-président du tribunal de Privas il donnait beaucoup de consultations, qui étaient très recherchées. Son fils, qui est mort à Arcens vers 1880, très âgé, intelligent, licencié en droit, ne sut pas se conduire. Maréchal des logis dans la garde d'honneur donnant droit d'officier, puis en 1815, nommé lieutenant de cavalerie à 22 ans. Il se retira pour s'installer à Arcens comme avocat consultant. Il épousa une demoiselle Faure-Dupont de Chanéac, sa parente, notre parente, fille de Melle de Fontaine de Logères. Il est mort complètement ruiné.
* André Joseph Abrial : Ministre de la justice du 25 décembre 1799 au 14 septembre 1802
François
Renseignements fournis par Jean-Claude Ribeyre :
Maison ou ferme Abrial
Dite « située au dessous de la cure » suivant Joseph Louis Abrial
De mémoire des démolisseurs de cette ferme pour construire une école privée catholique et un patronage en 1929 et suivant les souvenirs d'autres anciens, on sait qu'il y avait un ensemble de bâtiments au quartier de l’église dont l’un était en forme de « tour carrée » et l’autre était une grande ferme. Des témoins ont affirmé qu'une charrette chargée pouvait rentrer dans la grange qui a été louée, un temps, à un Loulier, fermier d’Arcens.
L’acte de vente passée entre Paul Henri Auguste Abrial assisté de son épouse Marie Mathilde Forestier du Crouzet domiciliés à Vals, et Régis Noyer, ancien curé d’Arcens retiré du Ministère en 1891 et demeurant à Arcens, le 25 mars 1892 décrit la propriété ainsi : « Un tènement de maison d'habitation, grenier à foin, écurie, pavillon séparé et séchoir, avec jardin, aire à battre les grains, hangar, sol, cour, aisances et dépendances, le tout contigu » et « séparé des propriétés restantes à Monsieur Abrial par le chemin qui descend à la maison Arnisolle » qui est actuellement la rue de l’Église.
Le pavillon pourrait avoir été construit (ou modifié) en 1732. Une pierre taillée à cette date est scellée dans le seuil d'entrée de l'école.
Quelques expressions relevées dans Anaïs petite fille vivaroise de Rémi Roure complètent la description : De l’autre coté de la rivière, il y a aussi la « maison Abrial, vaste ferme isolée » que Grégoire connaissait pour y avoir fait des commissions. Mais « on laissait l’enfant à la cuisine et on le renvoyait, la commission faite ». Bien que descendant d’une famille noble ou du moins importante, les Abrial « eux-mêmes n’usaient que de chaises de paille ».
Il y avait dans l’acte de vente la restriction suivante : « M. Abrial pourra jouir... du pavillon, du jardin et des deux tiers du grenier à foin, jusqu'au jour où il aura terminé la vente des autres propriétés qu'il possède à Arcens et tant que M. Paul Abrial d'Issas, son frère, sera en vie ».
Paul Léon Abrial est né le 1er novembre 1825 à Arcens et décédé le 27 janvier 1900 à Privas ; le curé Noyer est décédé le 4 octobre 1895. On ne sait pas comment s’est organisée l’utilisation de la propriété jusqu’en 1900.
Par contre il existe l’histoire suivante :
On dit qu’ensuite la nièce du curé en a eu l’usufruit tant qu’elle n’était pas mariée. Les bâtiments et ses dépendances sont ensuite revenus à la paroisse. Mais ceci n’est pas confirmé
Illustration
Rapide crayonné du quartier de l’église à Arcens,, avant la reconstruction de l’église en 1861, réalisé en 1993, en fonction des indications fournies et du cadastre d’Arcens de 1840.