Les toponymes sont souvent formés d'un nom auquel est accolé un adjectif pour bien préciser le lieu par exemple « pragrand » est le « grand pré ». Si certains adjectifs parlent d'eux-mêmes, comme dans l'exemple ci-dessus, il n'en va pas de même pour tous : certains sont déformés, d'autres ne sont plus d'usage courant. Pour une personne non avertie, cela peut aboutir à des contresens. Dans les lignes qui suivent, nous passerons en revue un certain nombre d'adjectifs parmi les plus courants (liste évidemment non exhaustive), que l'on rencontre en toponymie et quelques formes sous lesquelles on les rencontre.
LONG: très courant. On le rencontre souvent en début de mot : tel est le cas dans « Longchamp », « Longeagne » (=longue rivière). Il est parfois altéré en «lang », comme dans « Langogne » (=longue rivière), « Langonèche » (= longue rivière sèche) , « Lanteyron » (=long terrain).
HAUT: on le trouve parfois sous la forme très ancienne « uxello », évidemment déformée; c'est le cas dans « Ussel », « Ucel », mais aussi « ussol », comme dans « Crussol » ( = crête élevée), « Lichessol » ( = le terrain inculte d'en haut) ou encore « uze », comme dans « Baruze » (= hauteur élevée)
GRAND: on le trouve bien sûr sous cette forme mais autrefois, un autre adjectif « beau » n'avait pas la même signification qu'aujourd'hui et avait le sens de « grand , important, imposant... », tel dans « Beauchastel » (=le grand château et non pas le beau château !) , « Mirabel » ( =vue étendue, large), « Belmont » (=le grand mont...)
MAUVAIS: très courant sous la forme mal/mau : « Maupas » (mauvais passage), « Malpasset » (id), « Maupertuis » (id) ou encore « Malbosc » (mauvais bois), « Malbastit » (bâtiment mal construit), « Malleval » (vallon peu propice aux cultures).
NOIR: on le rencontre sous cette forme (Noirétable, Noirmoutier...) mais aussi souvent sous la forme « nièr »: dans ce cas, il évoque l'obscurité : « Gournier » ( le gour -gouffre – noir, sombre), « Nonières » (=vallée sombre), « Beaumanière » (=grotte obscure). Un autre adjectif était utilisé pour noir et évoquait plutôt la couleur, à savoir « MAURE/MORE »: tel est le cas dans « Rochemaure » qui marque la couleur noire du basalte.
HUMIDE: se marquait par « noue ». On le retrouve par exemple dans « Crezenoux » (=creux humide) ou « Bousquenoux » (=bois humide) . Dans les deux cas, le « X » final est malvenu.
ROND: on le rencontre tel quel, comme dans « Montron », mais il existe aussi sous la forme « redond/redonde » : c'est le cas dans « Blache redonde » (=chênaie ronde)
VIEUX: (au sens d'ancien, par opposition à nouveau): se marquait parfois par « seno », comme dans « Sénéclauze » (=le vieil enclos)
FROID: on le trouve sous la forme FREY/FREYDE comme dans « Fontfreyde » (=source froide) ou encore « Freyde mesous » (=maison froide, située à l'ubac)
CHAUD il se rencontre sous deux formes CHAUD, comme dans « Chaudeyrolles » ou « Costechaude » ou CALDE (« Costecalde »)
BOUEUX; se traduit par la finale OUSE/IOUSE, que l'on peut retrouver dans « Saliouse » (=torrent boueux) ou encore dans « Riberbouse » (=rivière boueuse)
PETIT: pour exprimer les dimensions réduites d'un lieu, on ajoute au nom un diminutif, qui est souvent ET/ETTE: « Le Mazet » (=petit mas), « Le Pradet » (=petit pré), « La Rochette » (=petit rocher), « Le Collet » (=petit col) Mais ce peut être aussi OU comme dans « Les Pradoux » (ce ne sont pas des prés doux(!) mais des petits prés (le X est malvenu), et encore OT/OTTE : « La Chazotte » (=la petite maison) ou EIL : « Le Monteil » ( =le petit mont). Tous ces suffixes sont très courants dans les toponymes.
Gilbert Verdier