A l'heure où la nouvelle religion électronique et le Dieu internet tisse encore plus loin sa toile en nous promettant que la 5G va transformer nos vies et nous apporter encore plus de bonheur, n'est-il pas temps de se demander s'il n'y a pas de limites au progrès.
Evidemment, les progrès techniques nous ont indéniablement apporté une aisance, un confort certain en nous libérant de tâches ingrates et épuisantes, bien sûr que les progrès en matière de santé et de médecine ont augmenté nos espérances de vie. Le smartphone dont nous ne pouvons plus nous passer a bien des côtés pratiques mais, ai-je vraiment besoin que ma brosse à dent communique avec mon ordinateur ?
Il y a exactement 50 ans dans le centre de San Francisco ou d'Amsterdam les Hippies, avec des bandeaux fleuris dans les cheveux rêvaient de liberté et d'amour. Aujourd'hui, leurs enfants parlent dans leurs smartphones à des robots pour commander un burger ! Qui se couche encore dans l'herbe pour regarder les nuages ? Pourquoi tout le monde rêve d'un monde libre alors que nous sommes en permanence surveillés par des caméras, des drones et toutes sortes d'objets googelisés ? De chaque nouvelle liberté semble naître une nouvelle servitude. Nous avons par exemple inventé des pesticides qui nous permettent de lutter contre les insectes, mais ces pesticides tuent les abeilles dont nous avons besoin pour la pollinisation. Sans smartphone, sans internet, nous ne nous sentons non seulement limités mais amputés. Si après le déjeuner nous ne revenons pas à la maison parce-qu'on a oublié d'arrêter le gaz nous nous empressons par contre d'y retourner si on a oublié le portable sur la table de la cuisine. Si nous n'avons pas de réseau, nous nous sentons abandonnés, menacés dans notre existence.
Les milliardaires de la Silicon-Valley, sans aucun scrupule moral définissent pour toute l'humanité quelles techniques nouvelles nous devons adopter.
Pourquoi ne puis-je de moins en moins influencer les choses qui m'entourent ? Pourquoi de plus en plus de décisions sont prises à ma place ? Pourquoi tout le monde a l'air d'être intéressé par ma santé ou mon bonheur alors qu'ils ne veulent qu'obtenir des informations sur ma façon de consommer ? Peut-être qu'un jour on ne pourra plus se souvenir du temps où : On devait décider seul, on prenait des risques, on était responsable de nos actes. Même avec mon statut d'aîné, de personne à risque, je suis quand même encore en capacité, lorsqu'il commence à pleuvoir de mettre moi-même les essuie glaces de ma voiture en marche. On a inventé des machines pour nous aider, mais faut-il aussi qu'elles nous commandent, qu'elles prennent des décisions à notre place ou qu'elles nous surveillent ?
Bien sûr, ma génération a bien profité de toutes ces avancées techniques et nous sommes certainement mal placés pour critiquer les inventions qui nous ont permis de vivre confortablement, libérés des contraintes de nos ancêtres. Nos ancêtres qui certainement auraient bien voulu de ces progrès. Mais, la société de consommation dans laquelle nous vivons n'a t-elle pas atteint ses limites ? Ne sommes nous pas envahis de produits qui jusque là n'avaient manqué à personne !
Nous parlons ici de progrès techniques, mais ceux-ci ont-il été accompagnés par des avancées en matière d'humanité ? Le progrès technique est-il forcément celui du progrès humain ? Il est certain que les « droits de l'homme », les avancées démocratiques dans beaucoup de pays ont amélioré la qualité de vie des hommes, mais avons-nous gagné en solidarité, en empathie, en entraide ou en convivialité ? Savons-nous encore profiter des plaisirs simples ou vivons-nous dans un monde où le virtuel compte plus que le réel, le progrès plus que la tradition, le nouveau plus que l'authentique, un monde sans surprise ni fatalité, est-ce que tout ce qui est possible est souhaitable?
Il n'est pas question ici de faire un plaidoyer pour revenir en arrière, pour dire « c'était mieux avant » mais ne pouvons-nous pas réfléchir sur ce qui importe à notre bonheur, de nous demander si nous n'avons pas atteint le moment où chaque découverte technique supplémentaire est nécessaire à notre bien-être ? Si la vie sera beaucoup plus facile lorsque nos frigidaires se chargeront de faire la liste de nos achats et si ce sont nos appareils ménagers qui nous donneront des ordres ?
D'aucuns me diront (et m'ont déjà dit) : « Oui, mais la 5G sera très utile aux entreprises, aux hôpitaux » Et bien, qu'on les dote de cette avancée mais qu'on nous dispense nous, simples consommateurs, de profiter d'une innovation dont personne n'a encore expliqué qu'elle nous rendrait plus libres, plus indépendants, plus tolérants ou plus heureux.
Malgré tout, parce-que je ne suis pas contre le progrès, Je suis naturellement prêt à accueillir la 5G si elle arrive dans la rue des Puces avant que je ne la quitte. A condition bien sûr que ma brosse à dent soit d'accord !
François