Apparemment il n’y a pas de rapport entre un conseil de révision et le tourisme. Nous pourrions entrevoir, dans une époque lointaine, la possibilité de voyage d’un futur conscrit de son village au chef-lieu de canton puisque c’est là que siégeait chaque année cette institution militaire. Déplacement exceptionnel pour certains puisque l’on apprend dans des comptes rendus que certains jeunes gens n’avaient jamais quitté leur village avant de se rendre à cette réunion.
Ce conseil que l’on qualifie suivant les époques de revision ou de révision (l’accent aurait divisé les académiciens et hommes de lettres) prend ses racines dans la loi dite Jourdan votée le 5 septembre 1798. Elle rendait le service militaire obligatoire. Après plusieurs modifications la circonscription et le conseil de révision institué en 1805 puis remplacé par les « 3 jours » en 1997, sont définitivement supprimés en 2001. Certains ont considéré que la circonscription était, à une certaine époque, une fête pour les conscrits ? C’était surtout une fête gastronomique pour les membres du conseil qui se retrouvaient autour d’une table bien garnie… « On demeure longtemps à table. La succession des plats qui défilent devant nous nous oblige à faire trêve à nos habitudes, et c'est avec grand plaisir, ma foi, que nous savourons les vins fins et toutes les bonnes choses qui nous sont offertes d'une façon si cordiale et si gracieuse. Mais, tout a une fin ici-bas, et il faut bien, bon gré, mal gré, quitter nos hôtes, car voici l'heure de la séance, dans quelques minutes, et il faut nous rendre à la mairie » (extrait de l’ouvrage décrit ci-dessous).
Et la relation avec le tourisme ?
Voici un cas sûrement unique relatif à une tournée du conseil de revision en 1891 dans la Nièvre. Il a fait l’objet d’une publication « Tournée du conseil de revision en 1891 », sans nom d’auteur. La préface précise que les membres de ce conseil ont été invités à noter leurs impressions et informations sur les cantons où ils avaient siégé, comme ont pu le faire les voyageurs d’antan. Entre deux conseils, ils avaient le temps de faire des visites… « Nous avons donc réuni les renseignements qu'il nous a été possible de recueillir sur place ; nous avons compulsé dans les archives de la Préfecture et dans le Nivernais (1840), assemblé et réuni dans ce volume les documents de nature à nous édifier sur les ruines, châteaux, monuments, églises, faits de guerre, ainsi que sur les légendes et histoires marquant bien la couleur des contrées traversées et, d'une manière générale, tout ce qui intéresse le touriste ».
Quelques extraits :
Mercredi 15 avril 1891. « La séance n'est qu'à une heure et demie. Profitons de notre matinée pour visiter l'église de Notre-Dame-du-Pré et le prieuré de Donzy-le-Pré, en ruines. C'est une œuvre du douzième siècle. Le portail est de style byzantin, les nefs, qui subsistent en partie, ont l'ogive romane; la partie supérieure du clocher qui, du reste, n'est plus entier, date du treizième siècle. Voici l'heure du déjeuner. Entrons à l'hôtel de la Charrue, près de la mairie et de la maison d'école. Cette course matinale a stimulé notre appétit, et ce n'est pas sans besoin que nous consommons un plantureux repas. »
Mardi 14 avril 1891. « On ne dort guère dans les hôtels [de ce village], surtout le matin. Le bruit des omnibus qui vont à la gare et qui en reviennent, les voyageurs qui se font réveiller de bon matin, tout cela fait un vacarme à mettre sur pied le meilleur dormeur ».
Jeudi 16 avril 1891. « Pouilly est renommé par le fumet de son vin sec et pétillant. Le matin avant d'aller travailler dans les vignes, les vignerons tuent le ver, en absorbant une certaine quantité de vin blanc pur. »
Jeudi 4 juin. 1891. « Le lac des Sottons est très poissonneux ; il renferme en quantité considérable des brochets, des carpes, des truites, des Fera, poissons blancs importés du lac de Genève. Les grandes pèches se font tous les deux ans, à l'époque des chaleurs. »
En lisant l’ouvrage on peut suivre avec précision le voyage, en temps et en heure, des membres du conseil et savoir quels moyens de transport ils ont utilisés. Aussi bien qu’avec un vrai guide touristique !
Parmi les conscrits de la classe 32 de St-Martin (photo), combien étaient-ils à avoir fait du tourisme en dehors du canton ?
JC
Notes :
Tournée du conseil de revision en 1891, Impr. Nivernaise (Nevers), 1891, Gallica.
Le Nivernais, au début journal politique et littéraire avec une première parution le 14 décembre 1871. A probablement existé jusqu’en 1965 comme journal indépendant en prenant un moment l’adjectif « populaire ». AD de la Nièvre.
Gravure tirée de « En Tournée de révision, conte humoristique » de Carlochristi publié en 1902. Gallica.
Jean-Claude Ribeyre