Comme chacun le sait, Saint Martin de Valamas est situé quasiment sur le 45° parallèle nord (en fait à 6 ou 7 km au sud de celui-ci, qui passe précisément à l'entrée sud de Saint Agrève, à hauteur du lac de Véron et coupe donc la D 120 à cet endroit. C'est -à-dire que nous sommes à équidistance (les 6 km d'écart étant négligeables) du pôle nord et de l'équateur, soit 5000 km, au cœur de la zone tempérée. Bien évidemment, nous ne sommes pas seuls sur cette ligne imaginaire, puisqu'elle fait le tour de la Terre, traversant océans et continents de l'hémisphère nord. Pour parler plus précisément, le 45°parallèle mesure 28381 km.
Figurez-vous que l'auteur de ces lignes, curieux comme toujours de ce qui ne le regarde pas, a décidé un jour où le soleil lui avait tapé trop fort sur l'occiput (ou qu'il avait pris une dose de Muscat de Mireval excédentaire -allez savoir !-) de faire le tour de la Terre à hauteur de ce 45° parallèle, et ce, en 24 heures, soit à la vitesse de rotation de la planète, c'est à dire à cette latitude, à l'allure de 1182 km/h soit environ 20 km par minute (hé oui, ça décoiffe! ) mais dans le sens inverse de la rotation, en suivant donc la course du Soleil. Il contacta donc l'Agence spatiale européenne qui, n'osant contrarier un esprit dérangé (une explosion atomique est si vite arrivée), lui mit au point un appareil adéquat. De plus, sachant à peine conduire une brouette, il s'adjoignit les services d'un pilote compétent et d'un navigateur-géographe ayant déjà parcouru le vaste monde. En fait, nous allions être en vol stationnaire: c'est la Terre qui allait défiler au-dessous de nous.!
Or donc, rendez-vous fut pris par une belle journée de juin près du château de Rochebonne, sur la plate-forme. Nous partîmes à dix heures du matin, pour profiter de la meilleure luminosité possible, ayant le soleil dans le dos. Nous atteignîmes immédiatement l'altitude de 6000 m, nécessaire pour survoler sans encombre les plus hauts sommets que nous allions rencontrer et bien dominer le paysage. Au bout de 40 secondes, nous passâmes déjà entre le Mézenc (à gauche) et le Meygal (à droite) avant de filer vers le cours de la Loire, puis celui de l'Allier, les monts du Cantal et les collines et plaines du Bassin Aquitain. Il ne nous fallut que 20 minutes pour atteindre Bordeaux, la plus grosse agglomération française (900 000 habitants) sise à cette latitude: quel contraste avec les hauteurs souvent dépeuplées du Massif Central! Puis ce fut tout de suite l'Océan Atlantique. Comme la traversée devait durer près de quatre heures et s'annonçait monotone (que d'eau! Que d'eau!), nous décidâmes de regarder quelques films (on n'avait pas lésiné sur le confort!): « Une semaine en ballon » ( I. Allen, 1962) et « Le tour du monde en 80 jours (M. Anderson, 1956) . Bien sûr, ce moment de détente fut entrecoupé d'une petite collation avec des produits de notre terroir : caillettes, criques, boudin, picodons, accompagnés d'une bouteille de Cornas ( 14°,on ne se refuse rien!). Enfin, nous aperçûmes les côtes de l'Amérique (Terre! Terre!) au niveau de Halifax et du fleuve Saint-Laurent. Il nous fallut une heure encore pour parvenir au-dessus de Montréal, grosse agglomération canadienne (plus de 4 millions d'habitants) sachant que nous étions aussi sur une ville largement francophone, bordée par la grand fleuve Saint-Laurent, que nous pûmes ainsi admirer d'en haut avant de filer vers l'ouest et survoler une demi-heure plus tard les grands lacs Huron et Michigan et au-delà la ville de Minneapolis située sur le Mississipi, dernière grande cité de la plaine américaine.. Une demi-heure plus tard, nous franchîmes le Missouri en entrevoyant les premiers contreforts des Montagnes Rocheuses qui se présentèrent comme une muraille gigantesque s'élevant jusqu'à 4000 m dans ce secteur. Nous les survolâmes pendant
une heure (notamment le célèbre parc de Yellowstone avec ses cascades, avant d'arriver en vue du Pacifique, laissant la ville de Portland à notre droite. C'était devant nous l'immensité du Pacifique. Sa traversée devant durer près de six heures, nous décidâmes de nous accorder un petit somme réparateur durant ce temps-là.
Au réveil, nous étions en vue des côtes asiatiques. Nous passâmes juste au nord de l'île d'Hokkaido, la plus septentrionale des îles du Japon (hé oui, le Japon est plus au sud que les Boutières!) et après la mer du Japon, entrâmes dans le continent eurasiatique, dont la longueur, à cette latitude, atteint 12000 km ! Ainsi, nous pûmes survoler la grande ville du nord de la Chine , Harbin, avec ses plus de 10 millions d'habitants (presque autant que la région parisienne). Immédiatement après, ce furent, sur 3000 km, les immenses plateaux désolés de la Mongolie,
avec des reliefs s'élevant à plus de 4000 m, avant d'aborder enfin des contrées un peu plus hospitalières, autour du lac Balkach, puis de la mer d'Aral (en voie d'assèchement, paraît-il), le nord de la mer Caspienne. Nous longeâmes alors les flancs nord du Caucase, avec ses pics enneigés (Mont Elbrouz :5633 m), entrant ainsi en Europe. Nous survolâmes alors la mer Noire et plus particulièrement la Crimée, cette presqu'île si convoitée, puis le delta du Danube avant de côtoyer le nord des Carpates et voir du ciel Bucarest (en Roumanie) et Belgrade (en Serbie). Une demi-heure plus tard, c'était la mer Adriatique, avec Venise à notre droite (qui est plus au nord que les Boutières, donc), au fond de son golfe, le delta et la plaine du Pô, jusqu'à Turin. Il nous fallait maintenant franchir les Alpes, à hauteur précisément de la Meije (3983 m). Nous étions de retour en France, nous passâmes le Vercors, avant de survoler Valence , sa plaine, le Rhône et l'emblématique Château de Crussol, signifiant que nous étions bien en Ardèche. Quelques minutes après, nous nous posions sur la plate-forme de Rochebonne, 24 heures après notre départ: tour du monde accompli!
Après quelques heures de repos, il était temps de faire un bilan de ce que nous avions pu constater:
A notre latitude, les océans occupent environ 10 000 km (4000 pour l'Atlantique, 6000 pour le Pacifique, soit 36%.)
Les terres émergées s'étendent, elles, sur 18000 km, soit 64% (5300 pour l'Amérique, 12500 pour l'Eurasie), mais avec des paysages bien différents: les montagnes et hauts plateaux s'allongent sur environ 7000 km, alors que les plaines et les grandes vallées, plus propices à la vie humaine, s'étirent sur 11000 km. Nulle part, l'altitude ne dépasse 5000 m.
Cette population qui se concentre donc dans les basses terres est très inégalement répartie: on la trouve au Canada, le long du fleuve Saint-Laurent (Montréal) et sur la côte Pacifique des USA (Portland), mais en moins grande quantité. On la trouve également en grand nombre en Chine du nord (Harbin), de façon moins dense autour de la Mer noire (Crimée) , dans les plaines d'Europe centrale (Roumanie, Serbie) et d'Europe occidentale (plaine du Pô, vallée du Rhône, région bordelaise.
En résumé , on peut dire que, à notre latitude, il existe une grande variété de paysage, avec des zones de peuplement fort, côtoyant des zones quasi vides d'hommes.
Philéas Fogg, avec le concours du capitaine Nemo et de Marco Polo