Novembre 2021
ruedespuces - Page 120
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ruedespuces N° 36
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Editorial
Dans le numéro de « ruedespuces » du mois de novembre de l'année dernière, nous célébrions nos deux ans de publication. A cette occasion nous avions republié l'article introduisant le premier numéro. Peut-être est-il utile pour notre troisième anniversaire de recommencer l'opération :
« Les moins jeunes se souviennent peut-être du « Coulassou ». C’est la découverte d’anciens exemplaires de ce journal qui nous a donné envie de nous en inspirer afin d’essayer de faire revivre une belle initiative qui a duré 3 ans et s’est terminée en 1980.
Entre temps, les moyens techniques modernes nous permettent de tenter l’expérience au moyen d’un blog. Quelques « auteurs » ont accepté de se jeter dans l’aventure en rédigeant des billets qui veulent s’adresser en priorité aux habitants de St Martin et de ses environs ainsi qu’à tout ceux qui y ont des attaches.
Ce blog est interactif, nous attendons donc vos commentaires qu’on espère nombreux afin de le rendre vivant.
Vous pouvez également nous proposer des articles que vous pourrez envoyer à l’adresse suivante : ruedespuces@gmail.com.
Ce blog ne pourra vivre que s'il est vivant, c'est à dire s'il permet à chacun de s'exprimer, soit en adressant des commentaires soit en publiant des articles. Nous espérons que ce premier numéro sera le début d'une aventure commune. (Vous pouvez envoyer vos contributions sous pseudonymes)
A VOS CLAVIERS!
le comité de rédaction se réserve le droit de ne pas publier les commentaires/articles ayant un caractère injurieux ou comprenant des attaques personnelles ».
Après avoir tiré un bilan de ces deux premières années, nous faisions également dans ce numéro de novembre 2020 cette mise au point qu'il est bon de rappeler :
chaque auteur et autrice est responsable de ses écrits qui en aucun cas n'engagent « ruedespuces ». Nous n'avons aucune ligne éditoriale.
Dans ce numéro de novembre : Un retour sur les origines de la bijouterie à St-Martin, Une rubrique politique, un exemple de compromis, un hommage à Marcel Bluwal, un problème de math, quelques notes sur S-Martial, le coin du râleur et si vous n'avez pas peur une histoire de monstres
Bonne lecture
François Champelovier
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L’ouvrier malade de Charles Murat
L’industrie ardéchoise est depuis quelques années mise à l’honneur par des publications et, récemment, par l’exposition Des hommes, des femmes des usines. Regard(s) sur l'industrie en Ardèche, accompagnée d’une publication et réalisée par les Archives départementales de l’Ardèche. Le Parc des monts d’Ardèche s’est aussi intéressé au patrimoine industriel de son territoire avec, par exemple, l’accueil d’une doctorante en thèse de géographie. Son travail portait sur la patrimonialisation des héritages industriels. Il a aussi lancé la réalisation d’un film documentaire « Empreinte vivante, le patrimoine industriel en Ardèche » avec Christian Tran. On peut aussi citer le regard artistique de Lani Maestro sur l’usine de bijoux Murat, en 2014, même si l’installation de son œuvre Ces mains a été très critiquée…
Si le développement de l’industrie bijoutière est bien connu entre St-Martin et Le Cheylard, les circonstances de son installation restent du domaine des petites histoires ou légendes. L’une d’elles indique que « Charles Murat aurait proposé à un membre de son personnel malade de s’installer dans sa maison de St-Martin… » Ce serait cet employé qui aurait fondé l’atelier du Pont.
Cette histoire repose-t-elle sur une réalité ou un élément de réalité ? S’il est difficile de répondre, une recherche dans un des recensements disponibles du village peut nous inciter à faire un rapprochement.
Le recensement de 1876 (ceux de 1866 et 1872 ne sont malheureusement pas en ligne) révèle que le bijoutier parisien Louis Auguste Noël, 34 ans, était alors installé au quartier du Pont avec femme, enfant et beaux-parents. Rien n’indique une maladie, ni une guérison miraculeuse pour ce bijoutier qui s’éteindra, à Paris, à 82 ans. Un drame est cependant survenu dans cette famille avec la perte d’une fille, Jeanne Eugénie, âgée de deux ans. Celle-ci est née le 5 septembre 1868 à St-Martin, ce qui indique qu’à cette date la famille était déjà installée dans le village. Elle logeait peut-être dans « la maison appartenant à Joseph Riou à la Croix la Pierre » suivant une indication de l’acte de décès. S’il y a aussi une légende de maladie liée à l’arrivée de la famille Legros à St-Martin, il pourrait aussi y avoir une correspondance entre le voyage de madame Legros, enceinte, et celui de madame Noël, enceinte aussi, si l’installation de la famille s’est faite entre le 1er janvier et la date de la naissance de Jeanne Eugénie. L’inauguration de l’atelier aurait eu lieu en 1868, mais je ne connais pas encore la date exacte.
En 1876, la famille Noël, composée des parents et de trois enfants, était installée dans la maison de l’aubergiste Louis Ranc, rue du Pont. Les beaux-parents, Félix et Olympe Noncher, dans une maison voisine où habitaient aussi deux ouvriers bijoutiers ardéchois ayant 12 et 17 ans. La maison suivante, sur le recensement, était aussi une auberge, tenue par Louis Brolles.
Dans ce recensement on dénombre les professions déclarées de : 1 bijoutier, 2 ouvriers bijoutiers, 3 ouvrières chaînistes et 6 ouvriers chaînistes. On peut noter qu’un cultivateur est devenu ouvrier chaîniste après son mariage avec une ouvrière chaîniste qui s’est retrouvée ménagère… et qu’une ouvrière chaîniste était originaire des Vosges.
Les Noël, une famille de bijoutiers ! Louis Auguste, bijoutier, se marie en 1861 avec Eugénie Noncher lors d’une permission ; il était probablement mobilisé. Son père Jacques était orfèvre et la famille habitait dans le 20° arr.. Un bijoutier de 40 ans, Charles Lallement était présent lors de son mariage. A la naissance de sa première fille Maria Henriette en 1863, la famille habitait dans le 10°arr., et après le retour à Paris, au moment de l’installation d’Achille Legros comme directeur de l’atelier en 1880, elle s’est installée dans le 20° arr.. En 1898, pour le mariage de son fils Georges, né à St-Martin et bijoutier, un chaîniste, Henri Guérin et un bijoutier, Émile Vallée, étaient témoins. Louis Auguste est décédé à 82 ans, un an après sa femme, au 148 rue de Bagnolet, toujours dans le 20° arrr..
Il reste à retrouver les relations professionnelles qui existaient entre Louis Auguste Noël et Charles Murat installé 6 rue des Archives (4°). Ils ne sont pas de la même génération et Louis Auguste n’est donc pas le « vieux compagnon qui a formé le premier groupe d’ouvriers ». Ce dernier reste hypothétique mais rien ne prouve qu’il n’a pas existé. D’autres recherches, dans les recensements actuellement manquants, dans ceux de Paris, dans des annuaires professionnels conservés dans les archives parisiennes, etc., permettraient d’aller plus loin.
Les raisons qui auraient conduit Charles Murat à acheter des terrains à St-Martin alors qu’il se mettait à son compte, puis à y installer un atelier, restent encore inconnues ou hypothétiques. Il faudra d’autres éléments pour trouver le vrai point de départ qui a probablement pu naître lors de ses rencontres avec des hommes politiques Ardéchois à Paris.
Notes :
- Lien vers l’exposition des Archives de l’Ardèche
https://archives.ardeche.fr/data/de_pliant_saison_web_v2.pdf
- Une photo du restaurant Ranc est visible dans l’ouvrage L’industrie du bijou Tome 1 de Roger Dugua, page 53. Date de la prise de vue : probablement vers 1910.
- Actions du PNR en faveur du patrimoine industriel
https://www.parc-monts-ardeche.fr/les-actions-du-parc/culture-et-patrimoine/patrimoine-2/actions-patrimoine-industriel/
- On peut aussi ajouter L’Ardèche et ses « fabriques à soie » aux éditions La Calade de Joyeuse, 2020.
https://editionslacalade.com/27-livres-editions-la-calade-ardeche/368-l-ardeche-et-ses-fabriques-a-soie-editions-de-la-calade-ardeche.html
Illustrations
Carte postale : Saint-Martin-de-Valamas (Sur la ligne du CFD). Vue prise entre 1903 et 1910. Coll. personnelle.
Le quartier du Pont en 1840 (feuille G3) et 1968 (feuille AD). Cadastre de St-Martin, AD07. Une évolution qui reste à découvrir… et qui pourrait nous apprendre comment Charles Murat a développé l’actuel atelier du bijou et quelle était « l’usine projetée » de l’autre côté de la route et dessinée sur un document non encore daté. Pour cela il faudra plonger dans la matrice… la cadastrale pas celle du film dont le 4ème épisode doit sortir en décembre.
Jean Claude Ribeyre