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ruedespuces - Page 162

  • Matin brun

    Les jambes allongées au soleil, on ne parlait pas vraiment avec Charlie, on échangeait des pensées qui nous couraient dans la tête, sans bien faire attention à ce que l'autre racontait de son côté. Des moments agréables où on laissait filer le temps en sirotant un café. Lorsqu'il m'a dit qu'il avait dû faire piquer son chien, ça m'a surpris, mais sans plus. C'est toujours triste un clebs qui vieillit mal, mais passé quinze ans, il faut se faire à l'idée qu'un jour ou l'autre il va mourir.

    -Tu comprends, je pouvais pas le faire passer pour brun.

    -Ben, un labrador, c'est pas trop sa couleur, mais il avait quoi comme maladie ?

    -C'est pas la question, c'était pas un chien brun, c'est tout.

    -Mince alors, comme pour les chats, maintenant ?

    -Oui, pareil.

    Pour les chats, j'étais au courant. Le mois dernier, j'avais dû me débarrasser du mien, un de gouttière qui avait la mauvaise idée de naître blanc, taché de noir. C'est vrai que la surpopulation de chats devenait insupportable, et que d'après ce que les scientifiques de l'Etat national disaient, il valait mieux garder les bruns. Que des bruns. Tous les tests de sélection prouvaient qu'ils s'adaptaient mieux à notre vie citadine, qu'ils avaient des portées peu nombreuses et qu'ils mangeaient beaucoup moins. Ma fois un chat est un chat, et comme il fallait bien résoudre le problème d'une façon ou d'une autre, va pour le décret qui instaurait la suppression des chats qui n'étaient pas bruns. Les milices de la ville distribuaient gratuitement des boulettes d'arsenic. Mélangées à la pâté, elles expédiaient les matous en moins de deux. Mon cœur s'était serré, puis on oublie vite.

    Les chiens, ça m'avait surpris un peu plus, je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que c'est plus gros, ou que c'est le compagnon de l'homme comme on dit. En tout cas Charlie venait d'en parler aussi naturellement que j'avais fait pour mon chat, et il avait sans doute raison. Trop de sensiblerie ne mène pas à grand chose, et pour les chiens, c'est sans doute vrai que les bruns sont plus résistants.

    On n'avait plus grand chose à se dire, on s'était quittés mais avec une drôle d'impression. Comme si on ne s'était pas tout dit. Pas trop à l'aise. Quelques temps après, c'est moi qui avait appris à Charlie que le quotidien de la ville ne paraîtra plus. Il était resté sur le cul : Le journal qu'il ouvrait tous les matins en prenant son café crème !

    -Ils ont coulé ? Des grèves, une faillite ?

    -Non, non, c'est les suites de l'affaire des chiens.

    -Des bruns ?

    -Oui, toujours. Pas un jour sans s'attaquer à cette mesure nationale. Ils allaient jusqu'à remettre en cause les résultats des scientifiques. Les lecteurs ne savaient plus ce qu'il fallait penser, certains même commençaient à cacher leur clébard !

    -Trop jouer avec le feu...

    -Comme tu dis, le journal a fini par se faire interdire.

    -Mince alors, et pour le tiercé ?

    -Ben mon vieux, faudra chercher tes tuyaux dans les Nouvelles Brunes, il n'y a plus que celui-là. Il paraît que côté courses et sports, il tient la route. Puisque les autres avaient passé les bornes, il fallait bien qu'il reste un journal dans la ville, on ne pouvait pas se passer d'informations tout de même.

    J'avais repris ce jour-là un café avec Charlie, mais ça me tracassait de devenir un lecteur des Nouvelles Brunes. Pourtant, autour de moi les clients du bistrot continuaient leur vie comme avant : J'avais sûrement tord de m'inquiéter.

    Après ça avait été au tour des livres de la bibliothèque, une histoire pas très claire, encore. Les maisons d'édition qui faisaient partie du même groupe financier que le Quotidien de la ville, étaient poursuivies en justice et leurs livres interdits de séjour sur les rayons des bibliothèques. Il est vrai que si on lisait bien ce que ces maisons d'édition continuaient de publier, on relevait le mot chien ou chat au moins une fois par volume, et sûrement pas toujours assorti du mot brun. Elles devaient bien le savoir tout de même.

    -Faut pas pousser disait Charlie, tu comprends, la nation n'a rien à gagner à accepter qu'on détourne la loi, et à jouer au chat et à la souris. Brune, il avait rajouté en regardant autour de lui, souris brune, au cas où on aurait surpris notre conversation. Par mesure de précaution, on avait pris l'habitude de rajouter brun ou brune à la fin des phrases ou des mots. Au début, demander un pastis brun, ça nous avait fait drôle, puis après tout, le langage c'est fait pour évoluer et ce n'était pas plus étrange de donner dans le brun, que de rajouter « putain con », à tout bout de champ, comme on le fait par chez nous. Au moins on était bien vus et on était tranquilles. On avait même fini par toucher le tiercé. Oh, pas un gros, mais tout de même notre premier tiercé brun. Ca nous avait aidé à accepter les tracas des nouvelles réglementations. Un jour, avec Charlie, je m'en souviens bien, je lui avait dit de passer à la maison pour regarder la finale de la Coupe des coupes, on a attrapé un sacré sourire. Voilà pas qu'il débarque avec un nouveau chien !

    Magnifique, brun de la queue au museau, avec des yeux marrons.

    -Tu vois, finalement il est plus affectueux que l'autre, et il m'obéit au doigt et à l'oeil. Fallait pas que j'en fasse un drame du labrador noir. A peine il avait dit cette phrase, que son chien s'était précipité sous le canapé en jappant comme un dingue. Et gueule que je te gueule, et que même brun, je n'obéis ni à mon maître ni à personne ! Et Charlie avait soudain compris.

    -Non, toi aussi ?

    -Ben oui, tu vas voir.

    Et là, mon nouveau chat avait jailli comme une flèche pour grimper aux rideaux et se réfugier sur l'armoire. Un matou au regard et aux poils bruns. Qu'est ce qu'on avait ri. Tu parles d'une coïncidence !

    -Tu comprends, je lui avait dit, j'ai toujours eu des chats, alors... Il est beau, celui-ci.

    -Magnifique, il m'avait répondu.

    Puis on avait allumé la télé, pendant que nos animaux bruns se guettaient du coin de l'oeil. Je ne sais plus qui avait gagné, mais je sais qu'on avait passé un sacré bon moment, et qu'on se sentait en sécurité. Comme si de faire tout simplement ce qui allait dans le bon sens dans la cité nous rassurait et nous simplifiait la vie. La sécurité brune, ça pouvait avoir du bon. Bien sûr je pensais au petit garçon que j'avais croisé sur le trottoir d'en face, et qui pleurait son caniche blanc, mort à ses pieds. Mais après tout, s'il écoutait bien ce qu'on lui disait, les chiens n'étaient pas interdits, il n'avait qu'à en acheter un brun. Même des petits, on en trouvait. Et comme nous, il serait en règle et oublierait l'ancien.

    Et puis hier, incroyable, moi qui me croyait en paix, j'ai failli me faire piéger par les miliciens de la ville, ceux habillés en brun, qui ne font pas de cadeau. Ils ne m'ont pas reconnu, parce qu'ils sont nouveau dans le quartier et qu'ils ne connaissent pas encore tout le monde.

    J'allais chez Charlie. Le dimanche, c'est chez Charlie qu'on joue à la belote. J'avais un pack de bières à la main, c'était tout. On devait taper le carton deux, trois heures, tout en grignotant. Et là, surprise totale : La porte de son appart avait volé en éclats, et deux miliciens plantés sur le palier faisaient circuler les curieux. J'ai fait semblant d'aller dans les étages du dessus et je suis redescendu par l'ascenseur. En bas, les gens parlaient à mi-voix.

    -Pourtant son chien était un vrai brun, on l'a bien vu, nous !

    -Oui, mais à présent à ce qu'ils disent, c'est que avant, il en avait un noir, pas un brun. Un noir.

    -Avant ?

    -Oui, avant. Le délit maintenant, c'est aussi d'en avoir eu un qui n'aurait pas été brun. Et ça, c'est pas difficile à savoir, il suffit de demander au voisin. J'ai pressé le pas. Une coulée de sueur trempait ma chemise. Si en avoir eu un avant était un délit, j'étais bon pour la milice. Tout le monde dans mon immeuble savait qu'avant j'avais un chat noir et blanc. Avant ! Ca alors, je n'y aurais jamais pansé ! Ce matin Radio brune a confirmé la nouvelle. Charlie fait sûrement partie des cinq cents personnes qui ont été arrêtées. Ce n'est pas parce qu'on aurait acheté récemment un animal brun qu'on aurait changé de mentalité, ils ont dit. « Avoir eu un chien ou un chat non conforme, à quelque époque que ce soit, est un délit. » Le speaker a même ajouté « injure à l'Etat national ». Et j'ai bien noté la suite. Même si on n'a pas eu personnellement un chien ou un chat non conforme, mais que quelqu'un de sa famille, un père, un frère, une cousine par exemple, en a possédé un, ne serait ce qu'une fois dans sa vie, on risque soi-même de graves ennuis.

    -Je ne sais pas où ils ont mis Charlie. Là, ils exagèrent. C'est de la folie. Et moi qui me croyait tranquille pour un bout de temps avec mon chat brun. Bien sûr, s'ils cherchent avant, ils n'ont pas fini d'en arrêter des proprios de chats et des chiens. Je n'ai pas dormi de la nuit. J'aurais dû me méfier des bruns dès qu'ils nous ont imposé leur première loi sur les animaux. Après tout, il était à moi mon chat, comme son chien pour Charlie, on aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ca va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ? On frappe à ma porte. Sitôt le matin, ça n'arrive jamais. J'ai peur. Le jour n'est pas levé, il fait encore brun au dehors. Mais arrêtez de taper si fort, j'arrive.

     

    Nouvelle de Franck Pavloff publiée aux éditions Cheyne en 1998

  • J'ai lu

    PAYER LA TERRE (BD

    Joe SACCO 

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    Oui, parfois, la bande dessinée peut être grande. Joe Sacco, dessinateur américain, le démontre parfaitement avec ce volume de 270 pages, qui se présente comme un reportage sur une tribu indienne du Nord-ouest du Canada, les Dene. On pénètre dans cette communauté, autrefois prospère, vivant de chasse et de pêche, menant une vie dure parfois, mais libre, jusqu'à l'arrivée des colons blancs et de leur civilisation marchande. J. Sacco nous montre comment ce peuple a perdu cette liberté, sa culture, jusqu'à sa langue. Mais il nous montre aussi comment un renouveau peux se faire jour dans la jeunesse, même si cela n'est pas exempt de contradictions. Servie par un graphisme en noir et blanc somptueux, cette BD stimule aussi bien l'imaginaire que l'intelligence du lecteur. C'est beau, c'est grand .C'est indispensable

    Gilbert Verdier

    PACHINKO

    pachinko.jpg

    Une lecture pour les chaudes journées d’été bien calé dans son fauteuil.

    Pachinko de Min JIN Lee aux éditions Charleston, ce livre est disponible à la médiathèque de St Martin de Valamas.

    Le Pachinko est un appareil de jeu, inventé par les japonais, qui tient de la machine à sous autant que du flipper.

    Sur fond d’histoire de la Corée racontée à hauteur de femmes, elles sont les héroïnes de ce roman, le livre couvre la période de 1919 à 1989. L’histoire débute sur une petite île située dans le sud de la Corée, près du grand port de Busan. Sujan, jeune femme issue d’un milieu pauvre doit s’exiler au Japon pour survivre à une « situation honteuse ». Nous la suivrons ainsi que sa descendance dans un Japon qui ne donnera jamais une identité à ces immigrés coréens considérés comme leurs vassaux. 

    La trame historique est bien documentée, la Corée, petit pays, entourée par des grandes puissances a longtemps vécu sous la protection de la Chine. Lorsque débute le roman, le colonisateur japonais impose ses lois, pille les richesses et méprise les coréens. La société coréenne de l’époque est imprégnée de principes confucéens, la condition des femmes est soumise à des règles patriarcales très strictes. L’occident qui a longtemps méconnu ce pays s’y introduira par l’intermédiaire des missionnaires.

    Le roman peut paraître un peu lisse, il y a cependant un attachement sincère aux personnages et le plaisir de lecture à la manière des feuilletons ou des séries est soutenu jusqu’au bout.

    Andrée Roméas

  • Reprise de l'Université Populaire des Boutières

     Après cette longue interruption l’Université Populaire des Boutières envisage de reprendre ses activités. Certains membres du CA ne souhaitent /peuvent pas continuer. Nous recherchons donc des personnes qui aimeraient s’investir, même de manière limitée. Merci de nous le faire savoir assez rapidement pour que nous puissions vous inviter à participer au CA qui élaborera le programme de la prochaine saison.

    Dans le cadre de ce « redémarrage » nous allons réaliser la journée consacrée aux "lieux de mémoire" qui était prévue dans le programme le samedi 19 juin.
     
    Il s’agit dune journée au Chambon sur Lignon: 
     
    - RV 9h45 à l’OT du Chambon

    - projection/exposé  (1h)
    - « Parcours de la mémoire » : visite promenade guidée de quelque lieux au Chambon.(env. 3/4 h)
     
    -pique nique tiré du sac (endroit à déterminer selon la météo)
     
    14h30 : Visite guidée du musée des lieux de mémoire
     
    Le nombre maximum de participants est de 20 personnes. Le coût des visites est pris en charge par l’UPB. Le déplacement se fera en voiture (à organiser). L’inscription se fait par mail  à l’adresse :     
    en précisant votre nom, prénom et coordonnées (mail et n° de portable).
     
    Les 20 premières inscriptions seront retenues.
     
    Bien cordialement.
    L'équipe de l'UPB