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ruedespuces - Page 159

  • Et si le monde de demain n’était pas du tout à la hauteur de nos espérances ?

    « L’espérance est une vertu héroïque. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance. »

                                                               Bernanos - La Liberté pour quoi faire ?bernanos.jpg

     

    Episode 2



    Bonne chasse Johannes ?

    Oui mon colonel on a mis fin à une Katiba chiite et à un commando catholique intégriste. En tout 15 morts et une vingtaine de blessés chez eux et seulement 2 blessés chez nous. Très bien Johannes, mais attention à un excès de violence les B.L.P.R. (Bataillons Laïques Pour la République) ne sont pas des troupes d’extermination.

    Johannes se rembruni, et traîna son mètre quatre-vingt-dix de nerfs, d’os et de muscles vers le fond du local. Il faut dire qu'en ce mois de juin 2036, la situation est de plus en plus dégradée. Depuis cinq ans la France est partagée en deux, au nord la République de nos ancêtres, démocratique, mais indécise et faible, et au sud une Théocratie sécessionniste, avec trois mouvements extrémistes qui s'opposent, Sunnites, Chiites et Chrétiens. La ligne de démarcation entre les deux n’est pas stable, et l’Ardèche en particulier mais tout le massif central en général est une terre de résistance Laïque. Ces terres qui ont connues les Cathares, puis les guerres de religion, sont restées farouchement rebelles à toute forme de dictature.

    Le Colonel Jean Bires a décidé de Fédérer des hommes et des femmes de tous horizons qui ont pour seule politique, le respect de la laïcité à la française. Il a constitué des Corps Francs, autonomes de l’armée régulière pour protéger les institutions et les civils des bandes de fous de dieu qui ont commencées à s’étriper sur le sol national. Au début les Corps Francs des BLPR ont été armés et financés par l'armée régulière. Mais la montée des radicalismes religieux et de l’état de guerre civile permanente au sud a généré un phénomène de repli sur des positions concordataires du Nord au-delà de la Loire, et les BLPR ont dû apprendre à se débrouiller seuls.

    Cela fait 3 ans que Johannes a rejoint les BLPR, issu d'une famille avec une vieille tradition Laïcarde, il lui a paru tout à fait naturel de rejoindre le Colonel Bires et de protéger la laïcité.

    En arrivant au fond du local il se trouva nez à nez avec Leylla qui lui envoya un sourire mi complice mi ironique. Leylla a 10 ans de plus que Johannes, et à 44 ans elle commence à trouver la vie des Corps francs compliquée. Elle les a rejoint après que son époux, un universitaire ardéchois ait été assassiné par une bande de djihadistes qui effectuaient un raid pour tuer autant de Gaulois que possible. Dans les représailles des groupes extrémistes chrétiens de la Croix Flamboyante, son origine Marocaine la désignait comme victime expiatoire. Seule l’intervention des BLPR lui avait sauvé la vie, même s'ils n'avaient pas pu lui éviter d’immondes violences. Johannes n’avait pas ramené de prisonniers de cette sortie, et d’ailleurs depuis, il avait tendance à en faire très peu. Il avait récupéré le corps de Leylla roué de coups et meurtri par un viol qui n'avait eu pour but que d'humilier et de punir.  Il l’a soignée personnellement, comme s’il se considérait responsable des outrages subis par cette femme. Il a ramené Leylla à la vie tout doucement, et il est le seul homme qui puisse s'approcher d'elle et a fortiori la toucher. Difficile de décrire ces deux-là comme un couple, mais ils surveillent les arrières de l’autre et ont une relation sexuelle torride qui fait plus penser à un combat qu'à une relation de tendresse. Leylla est un peu la déesse de mort du groupe. Elle ne dit jamais rien, mais au combat c'est une tigresse, elle n'a peur de rien et se comporte comme si la mort, l’ayant loupée une fois, n’avait plus aucune prise sur elle.

    Jo, dit-elle, ne t’inquiète pas on a bien travaillé, mais mes vieux os réclament une douche chaude, vient me frotter le dos cela te décontractera. Avec un sourire lubrique Johannes s'exécute et rejoint son lieutenant. A 44 ans Latifa est encore très belle, et Johannes en est fou.

    De retour dans le local Jo fait le tri des armes et munitions récupérées, et il s’aperçoit que ce ne sera pas suffisant. Leur raides successifs sont gourmands en munitions et l’approvisionnement ne suit pas. Le « Local » comme ils l’appellent entre eux, est une grotte assez vaste au pied d’un éperon rocheux basaltique qui a servi de forteresse et de village fortifié depuis le 9ème siècle. Le fort de Brion.brion.JPG Cette grotte a été faite par eux à l’explosif, pas très écolos mais redoutablement efficace si on sait ce que l’on fait, et d’en haut, de loin et même de près ils sont quasiment invisibles, ce qui explique que ce camp ait tenu aussi longtemps. Jo sait bien que cela ne pourra pas durer indéfiniment, et au cas où ils seraient les victimes d’une attaque frontale, ils ne pourraient tenir que quelques heures. Il se lève et se dirige vers le coin réservé au colonel……  (suite au prochain numéro)

    Louis Lévêque

  • Le cimetière du Père-Lachaise

    Que nous reste-t-il pour nous dégourdir les jambes, nous, les urbains, parisiens de surcroît,  quand le confinement restreint nos déplacements dans un rayon d’un kilomètre autour de notre  domicile ? Pas de possibilités de fréquenter les jardins des Tuileries, ni ceux du Luxembourg, ni  même de pousser jusqu’aux Bois de Vincennes ou de Boulogne. A part quelques squares dotés  d’une poignée de bancs et de jeux d’enfants, il nous reste les cimetières! 

    Alors oui, cette année qui vient de s’écouler sous le règne de Covid-19, j’ai beaucoup arpenté le  cimetière du Père-Lachaise, qui répond, en ce qui me concerne, à tous les critères de  l’autorisation de déplacement. 

    Situé dans le 20ème arrondissement de Paris, sur une colline, c’est le plus grand cimetière  parisien intra-muros, et l’un des plus célèbres dans le monde. Il s’étend sur 44 ha et totalise 70 000  concessions. 

    Un peu d’histoire :  

    Appelé cimetière de l’Est à son ouverture en 1804, il porte le nom d’un Prêtre Jésuite, François  d’Aix de La Chaise (1624-1709), confesseur de Louis XIV pendant 34 ans. 

    Ce prêtre, très apprécié de la population, a longtemps vécu dans un domaine, situé à  l’emplacement de l’actuel cimetière, où les jésuites venaient se reposer. Celui-ci prit le nom de  son illustre occupant, officialisé lorsque les autorités locales décidèrent d’y construire un lieu de  sépultures. 

    L’aménagement en fut confié à l’architecte Brongniart (qui a aussi réalisé la Bourse de Paris). Il le  conçut comme un jardin à l’anglaise, avec des allées sinueuses et pavées, bordées d’arbres et de  feuillus, où il faisait bon s’y promener. 

    Sauf que là, échec ! Pas de succès pendant dix ans. Les parisiens refusaient de s’y faire enterrer  au motif que c’était un cimetière public, non rattaché à une paroisse. 

    Que faire ? Pour encourager la population à venir y choisir sa dernière demeure, les autorités  décidèrent d’y transférer les corps de deux célébrités adulées des parisiens, Molière (1622-1673)  et La Fontaine (1621-1695). 

    Mais il y a peu de chance que les restes de ces illustres lettrés soient présents dans leurs  tombeaux.  

    En effet, Molière, du fait de sa profession de comédien à laquelle il n’avait pas renoncé avant sa  mort, ne pouvait, en vertu de la loi de l’époque, recevoir de sépulture religieuse. Compte tenu de  sa notoriété, l’archevêque de Paris aurait finalement accepté qu’il soit enterré dans un lieu  consacré, le cimetière de la Chapelle Saint Joseph… Mais furieux de cette décision, le chanoine  de la Chapelle fit, immédiatement après les obsèques, déplacer le corps dans un        endroit non  consacré, d’où la confusion ultérieure.

    Quant à La Fontaine, il fut inhumé au cimetière des Innocents (actuel quartier des Halles). Suite à  un effondrement en 1780, ce cimetière fut rasé et tous les ossements transférés dans les  catacombes. 

    En 1792, la Révolution, désireuse d’honorer les grands hommes, fit exhumer les présumés restes  de Molière et de La Fontaine, pour les transférer au Musée des Monuments  Français qui fermera  en 1816.                                                                     Tombe de Molière    

    tombe de moliere.jpg

                 

    Tombe de La Fontaine                                           

    tombe la fontaine.jpg

    C’est ainsi que les autorités de l’époque récupérèrent les deux cercueils pour les déposer au  Père-Lachaise, et que, désormais, les deux hommes reposent côte à côte pour l’éternité ! Est ce que le tour de passe-passe a marché ? Bien sûr, une décennie plus tard, le cimetière était  très convoité par les parisiens, ravis de pouvoir partager leur dernière demeure avec ces deux  célébrités ! Ah! Vanité, quand tu nous tiens ! 

    Et aujourd’hui, le coût du mètre carré pour l’au-delà flirte allègrement avec celui des vivants, dans  l’ici et maintenant !!! 

    Le cimetière a accueilli au fil des années de nombreuses personnalités, issues de multiples  domaines. 

    Je pourrais citer la sulfureuse tombe d’Oscar Wilde . 

    L’écrivain-poète (1854-1900) a été jeté en prison en Angleterre et condamné à deux ans de  travaux forcés pour un baiser homosexuel. Il est mort à Paris en 1900 à l’âge de 46 ans dans le  dénuement le plus complet. Ce n’est qu’en 1912 que son ancien amant fit ériger un tombeau, au  cimetière du Père-Lachaise, qui représente un Sphinx ailé. Mais la sculpture fut dotée de parties  génitales conséquentes, ce qui provoqua scandale et indignation. La légende colporte que « deux anglaises émasculèrent la statue à coups de pierres (et de parapluie!!!) » et que les attributs  finirent en tant que presse-papier sur le bureau d’un conservateur de musée!  Qui plus est, dans les années 1990, un rituel s’instaura. Des admirateurs.trices, probablement en  hommage à ce baiser condamné, prirent l’habitude de déposer un baiser de rouge à lèvres sur le  tombeau. Au fil du temps, le bloc de pierre se dégrada et le monument fut protégé par de grandes  parois de verre qui l’encerclèrent. 

    J’aime aussi m’arrêter devant une émouvante sculpture.  

    Elle ne porte aucun nom, aucune date. Sur la dalle repose un homme gisant qui tient dans ses  mains le visage de sa compagne. On peut lire la touchante épitaphe : « Ils furent émerveillés du  beau voyage qui les mena jusqu’au bout de la vie » « So romantic » !!!! 

                                                Tombe de l'homme gisant

    tombe gisant amoureux.jpg

    Et puis, que dire de la déroutante tradition autour de la tombe de Victor Noir.tombe victor noir.jpg Vous ne le connaissez pas ? Moi non plus, avant de découvrir son histoire ! C’était le nom de plume d’un journaliste né en 1848 et mort à Paris le 10 janvier 1870, d’un coup  de feu, tiré par un cousin en disgrâce de Napoléon III. La raison ? Un différend politique, le Second  Empire vacillait et la révolte grondait. Ce meurtre impuni suscita une forte indignation populaire et  cet obscur employé de rédaction devint un symbole républicain.  

    Il fut transféré au Père-Lachaise en 1891, et le sculpteur Jules Dalou, ardeur défenseur de la  République, réalisa un gisant en bronze, d’un réalisme époustouflant : « la bouche est ouverte, les  mains gantées, les vêtements dégrafés, le chapeau est roulé et surtout il dote son oeuvre d’une  virilité bien moulée au niveau du pantalon ». 

    Depuis, bon nombre de curieux.ses, en proie à des superstitions de fertilité, ont pris l’habitude de  frotter ses parties intimes, ainsi que le nez, faisant disparaître l’oxydation de la patine à ces  endroits-là. 

    Ce pauvre Victor, mort dans la fleur de l’âge à 21 ans, avait-il un seul instant imaginé vivre pour  l’éternité de si tendres et délicates attentions ? Si ça n’est pas le paradis … 

    Peut-être une autre fois, vous parlerai-je des femmes au cimetière du Père-Lachaise …

    Evelyne Colloud Chomarat

  • J’ai lu :

    Prix des Prix Val’Eyrieux : démarrage de la troisième compétition littéraire à l’initiative des trois médiathèques Saint Martin, Le Cheylard et Saint Agrève.

    Un comité de lecture se réunira en septembre 2021 en ce qui concerne les médiathèques de St Martin et du Cheylard, en juin pour celle de St Agrève, pour élire le Prix des Prix Val’Eyrieux. 

     Participer au Comité de lecture est simple, il suffit de s’inscrire à la médiathèque de son choix. L’année dernière le prix a été décerné à Jean Paul Dubois pour son livre Tous les hommes n’habitent pas la même planète.

    Sept livres sont en compétition : Prix Académie Française La grande épreuve de Thibaut de Montéty ;la grande epreuve.jpg Prix Fémina Nature humaine de Serge Joncour ; nature humaine.jpgPrix Goncourt Anomalie de Hervé le Tellier ; anomalie.jpgPrix Goncourt des Lycéens Les impatientes de Djalil Amadou Amal ;les impatiantes.jpg Prix Médicis Le cœur synthétique de Chloé Delaume ;le coeur synthétique.jpg Prix Renaudot Histoire du fils de Marie Hélène Lafon ; histoire du fils.jpgPrix Interallié Un crime sans importance de Irène Frain. 

    un crime sans importance.jpg



     Hors compétition mais un plaisir de lecture bien rare tant il est difficile de trouver un auteur qui ait le talent de nous faire déguster son texte comme une gourmandise.

    Cette autrice c’est Jane Howard pour son roman paru chez Quai Voltaire La saga des Cazalet tome 1 Eté anglais, il est suivi du tome 2 À rude épreuve que je n’ai pas lu.

    la saga des cazalet.jpg

    Ce roman est anglais jusqu’au bout des ongles : une riche famille bourgeoise anglaise se retrouve à la campagne pendant l’été 1938. Elle se compose des grands parents qui reçoivent, chaque été, dans leur grande maison familiale leurs trois fils avec femmes et enfants et leur fille célibataire. Les domestiques sont la cheville ouvrière de cette micro société.

    Les descriptions, les caractères, l’éducation homme femme, les querelles à hauteur d’enfants, les angoisses des adolescents, les émois amoureux et les pulsions malsaines tout y passe. L’écriture est précise et campe les personnages de façon magistrale.

    En toile de fond l’Histoire celle d’une époque coloniale qui n’est plus, les séquelles douloureuses d’une première guerre mondiale, la terreur d’une prochaine guerre qui s’annonce. 

    Andrée Roméas