Hier je suis allé partager la scène avec d’autres musiciens pour des petites impros sans prétention.
j’y ai retrouvé par hasard un « Johnny de vogue » que je connaissais.
Ce terme est un peu trivial, mais je ne sais pas comment le formuler autrement. Par ce néologisme j’entends des chanteurs amateurs ou semi-pros qui reprennent des chansons de Johnny Hallyday.
Il n’y a nulle moquerie ou commisération de ma part car j’ai beaucoup de sympathie, d’amitié et de considération pour eux. En plus je ne suis pas meilleur que ces gars-là.
Et on les reconnaît avant qu’ils ne chantent à leur façon de s’habiller, de parler et même de bouger. Même sans qu’ils arborent la croix d’argent de Johnny guitare. Pas seulement pour les jeux de scène de chaque chanson de leur idole qu’ils essaient de reproduire à l’identique, mais à l’identification corporelle qu’ils affichent : les jambes un peu écartées, les mouvements des bras, la posture, la façon de pointer le doigts sur le public ou replié pour dire « viens ici » et emmener le public dans les chansons.
Ces Johnny, ils n’ont pas tous le même âge, la même taille, la même carrure, mais on les reconnaît tout de suite.
Et ils sont parfaitement sincères et désintéressés, même si quelques uns en font commerce de façon semi-professionnelle ou comme Jean-Baptiste Guégan qui en vit. Mais même ceux là sont dans l’esprit. Ce n’est pas comme les « Elvis » qui chantent pour les mariages à Las Vegas. Johnny c’est leur vie.
Et je pensais en moi-même en pensant au Johnny d’hier : comme leur chagrin doit être présent, leur vie encombrée de coups de blues et le vide immense quand ils se réveillent le matin en se disant : « merde, Johnny est toujours aussi mort ! »
Et ce n’est pas les photos de leur idole qu’ils ont collé au mur ou dans des cadres sur leurs cheminées qui leur remonte le moral de cette absence si cruelle.
Mais pour l’heure le public est complice et partage leur amour pour la star disparue, car les chansons qu’ils interprètent sont des putains de bonnes chansons que tout le monde connaît et que tout le monde aime partager, même au second degré.
Et je pensais aussi que la fuite inéluctable du temps va faire son oeuvre et que d’ici une petite dizaine d’années, même si les bonnes chansons de Johnny seront éternelles, sa présence scénique, sa façon de marcher, de bouger, de s’exprimer ne diront plus rien à personne et ne feront plus écho au nouveau public. Mais le Johnny de vogue continuera son show avec des gestes que les gens trouveront bizarres car il n’y aura plus de référence et plus personne n’aura vu le vrai sur scène.
Chacun de nous a son Johnny qui lui manque. Samedi je suis allé écouter Tony Kazima qui donnait un concert au profit de l’Ukraine. J’étais tellement content de l’entendre qu’à un moment je me suis dit « c’est super, il faut que j’en parle à Vincent ».
Hélas.
On a chacun son Johnny qui lui manque.
Georges verat