En réponse à la sollicitation de François, par ce petit billet, à bientôt 80 ans à quelques mois près, je m’autorise quelques réflexions sur l’aménagement du territoire français ; réflexions qui plairont peut-être à certains, qui déplairont sans doute à d’autres ou encore qui en feront sourire quelques autres, mais toute réflexion est forcément subjective en fonction du parcours de vie de chacun.
Citadin, parisien de naissance, malgré les années de guerre qui ont bercé ma tendre enfance, j’ai vécu des jours heureux dans un quartier de la capitale qui ressemblait à un village de province et où le matin j’étais réveillé par le chant du coq ou le hennissement du cheval du marchand de charbon.
Depuis plus de trente ans maintenant j’ai eu la chance et le bonheur de pouvoir partager ma vie à mi-temps entre une ville de la banlieue parisienne en lisière de la forêt de Montmorency et la campagne dans les hautes Boutières mais ce bonheur s’amenuise au fil des ans ; que de changements au cours de ces trente années.
On dit que gouverner c’est prévoir ! Nos hommes et nos femmes politiques ont prévu mais pas pour améliorer nos conditions de vie à la ville comme à la campagne.
Avec la construction de mégapoles qui, telles que la grenouille de Jean de La Fontaine qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf, elles enflent démesurément au point qu’un jour elles éclateront tellement la vie y devient insupportable ; il est d’ailleurs sans doute probable que ce mal-être n’est pas étranger aux mouvements sociaux que nous connaissons actuellement. On bétonne à tout va, on imperméabilise les sols et avec le dérèglement climatique généré par l’activité humaine on crée des catastrophes en autorisant des constructions en zones inondables.
Circuler en région parisienne en voiture ou en transport en commun est une abomination ; des trains et des rames de métro bondés, des incidents à répétition qui génèrent des retards presque chaque jour, des embouteillages permanents sur les routes limitant la vitesse moyenne autour de 20km/h.
Et dans les campagnes ! Là où il pourrait faire bon vivre, ce n’est pas mieux ! On s’agglutine dans les villes au détriment des zones rurales où disparaissent les services publics de proximité mais pas seulement ; publiques ou privées des écoles ferment, les trésoreries, les bureaux de poste sont délocalisés, les gendarmeries aussi…
Et un raton laveur !
Nous pourrions faire un inventaire à la Prévert sur le sujet !
La population rurale, celle qui permettait de préserver harmonieusement les campagnes a disparu.
Dans la France de 1789 qui comptait 27 millions d’habitants, la population rurale représentait 78% de la population totale ; d’après les chiffres du ministère de l’Agriculture, en 1968 elle ne représentait plus que 35% des 49,8 millions de français ; pire, en 2005 la population active agricole est tombée à 3,5% de la population totale.
A l’heure où pour sauver la planète il faut revenir à une agriculture biologique et recourir à la binette, où trouver la main d’œuvre à mettre au bout du manche ?
Et puis, pour compenser, certains préconisent de faire pousser des légumes en ville alors que tant de terres restent en friches par manque de bras - cherchez l’erreur - ou encore de végétaliser les immeubles ce qui bien souvent concourt à la dégradation des bâtiments.
Sans être passéiste, sans avoir la nostalgie de la politique paternaliste des entreprises du XIXe siècle ou du début du XXe, le but de toute entreprise était d’offrir un service, de créer des emplois et accessoirement de faire des bénéfices ; cette notion a aujourd’hui totalement disparue. Les grands créateurs d’entreprises s’intéressent d’abord aux profits qu’ils vont pouvoirs en tirer et des dividendes qu’ils vont pouvoir distribuer, la création d’emplois est la variable d’ajustement qui permet de maximiser les dividendes et, au bout du compte, pourquoi pas offrir un service bien que, l’obsolescence programmée ayant été inventée, ce service est de moins en moins bien rendu. Cela n’empêche en rien de culpabiliser les consommateurs parce qu’ils font trop de déchets.
Alors, certains me diront : « arrête de geindre, délaisse ta vie dans une grande métropole, installe-toi définitivement à la campagne ; malgré bien des inconvénients on y vit tout de même un peu mieux et l’air y est plus pur. »
Hé oui, pourquoi pas ! Toutefois, lorsque l’on a une épouse qui a eu la chance de bénéficier d’une greffe de foie, il lui faut nécessairement un suivi médical important et régulier : hépatologue, cardiologue, néphrologue, dermatologue, hématologue…et, en habitant en hautes Boutières, pour avoir toutes ces consultations c’est forcément à Lyon ou à Montpellier, déserts médicaux obliges !
Toutefois, les déserts médicaux ne sont pas seulement l’apanage des milieux ruraux ; dans les grandes villes aussi il y a un manque criant de médecins ; actuellement, mieux vaut ne pas avoir un médecin référent qui doit partir en retraite car tous ont des carnets de rendez-vous bien remplis et ne prennent plus d’autres patients.
Comme je le disais plus haut, gouverner c’est prévoir mais avec l’instauration du numérus clausus il était indéniable qu’un jour ou l’autre la France manquerait de médecins mais, cette mesure n’est certainement pas la seule raison de la pénurie ; les études de médecine sont en partie payées par la collectivité et un juste retour de service à la communauté me semble nécessaire. Pour faire un parallèle avec le corps enseignant dont les études sont aussi en partie payées par la collectivité, à moins d’enseigner en école libre, instituteurs et professeurs exercent leur métier là où ils sont nommés.
Nous sommes loin de l’égalité affichée sur tous les frontons de nos édifices publics et, comme disait Colluche : « Il y en a qui sont plus égaux que d’autres »
Toutes nos grosses têtes pensantes feraient bien d’essayer d’avoir les pieds sur terre au lieu de se regarder le nombril mais, on ne peut pas penser finances avant tout et offrir des services de qualité et de bien être à la population française.
Alain Amsellem