- Le volcanisme est souvent associé à l'idée de destructions, de catastrophes, de cataclysmes. Cependant, à y regarder de plus près, hors le moment d'éruption, le volcanisme a été un bienfait pour les régions environnantes. C'est le cas pour les volcans des Boutières (essentiellement situés sur le canton du Haut-Eyrieux) qui ont laissé une empreinte profonde, ne serait-ce que par les paysages spectaculaires qu'ils offrent encore de nos jours, après plusieurs millions d'années d'existence. Mais l'aspect esthétique, très prisé de nos jours, n'est pas le plus important et surtout pas celui que les populations vivant à proximité ont retenu au cours des millénaires passés: les habitants des Boutières, pragmatiques en diable, ont su voir tous les avantages qu'offrait une région volcanique pour leur vie quotidienne. On peut particulièrement distinguer parmi ceux-ci:
- La profusion des matériaux de construction: la pierre volcanique (basalte) a fourni aux habitants des secteurs proches des volcans (surtout au-dessus de 1000 m d'altitude) un matériau abondant, résistant facilement reconnaissable grâce à sa couleur allant du bleu au noir, pour bâtir leur fermes, (la plus célèbre de la région étant celle de Bourlatier, qui impressionne par ses dimensions et l'épaisseur de ses murs). De même, pour couvrir ces fermes ,les bâtisseurs utilisaient les lauzes,, larges plaques de phonolite débitées finement (quelques centimètres d'épaisseur formant une toiture lourde mais extrêmement résistante aux intempéries et à l'usure « qui bien lauze pour cent ans pose » disait-on alors), encore parfois utilisées de nos jours. Ces mêmes plaques pouvaient aussi servir au dallage des voies de circulation, tout comme les graviers et sables que l'on trouve en dépôts, toujours exploités (Molines, Saint julien d'Intres).
- L'abondance des sources et des cours d'eau, autour du massif volcanique (Rimande, Saliouse, Eysse, Dorne, sources de Molines...) fournissant une eau de grande qualité, qui a permis l'établissement de la population dans les moindres recoins de la région. La réputation des eaux des Boutières s'est d'ailleurs étendue bien au-delà du secteur, puisqu'elle a donné lieu à leur commercialisation (sources de Dornas, de Chanéac et surtout d'Arcens, cette dernière toujours en activité. Enfin, nombre de nappes phréatiques alimentent ces sources 'Saint Martial, plaine d'Echamps...)
- La fertilité des terrains volcaniques: ceux-ci sont très propices à la végétation, d'où les très nombreuses forêts qui occupent les flancs nord des édifices volcaniques (essentiellement sapinières et hêtraies) et fournissent aussi bien le bois de charpente, de chauffage ou de menuiserie, mais abritent également du gibier et d'autres ressources alimentaires (champignons, fruits sauvages tels que myrtilles, framboises, glands...). Mais surtout, les terrains volcaniques ont été favorables à l'agriculture dans ces secteurs montagneux à l'altitude élevée (souvent plus de 1000 m), permettant à une population de s'installer, d'y survivre et d'y prospérer durant des siècles , voire des millénaires! ( vers 1900, Borée er Saint-Martial comptaient chacune plus de 2000 habitants!) (1). De plus, les pluies et les crues ont aussi entraîné les alluvions volcaniques vers l'aval fertilisant les vallées alentour (Saliouse, Eysse, Dorne ). Mais la plus grande part de ces alluvions s'est déposée bien plus bas, dans la vallée de l'Eyrieux, donnant naissance à des plaines fertiles qui se sont couvertes de pêchers au cours du XX° siècle.
- Ainsi, loin d'être un fléau, le volcanisme a été profondément bénéfique pour la région des Boutières. Sans lui, le développement démographique eût certainement été moindre. La région reste d'ailleurs profondément marquée dans son habitat, son agriculture, ses mœurs par ce volcanisme des temps anciens.
(1) La dépopulation brutale au cours du XX° siècle est un phénomène complexe que l'on ne peut aborder ici, mais qui n'invalide pas ce qui a été dit plus haut.
Gilbert Verdier