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ruedespuces - Page 33

  • Les monuments qui rapprochent les gens

    En cette période incertaine et morose, et même inquiétante provoquant chez moi une baisse de moral je n’ai pas trop le goût de regarder la télévision, et aucune envie de perdre mon temps à m’endormir devant l'écran, sur des bluettes cinématographiques ou des gaudrioles d’émissions de variété. 

    C’est ainsi que par hasard et sur la chaîne « Arte » je suis tombé sur une émission culturelle qui parlait des monuments aux morts dans notre pays. Le sujet était traité en détail et de façon exhaustive avec pléthore de reportages sur des monuments divers et variés. Certains très artistiques et très riches, d’autres plus modestes, et même un peu naïfs mais tous pleins de sens et d’intérêt. 

    Et je me suis fait malgré moi la réflexion que le monument auquel je me réfère et auquel je suis attaché, mon monument aux morts à moi, c’est celui qui se trouve vers la montée au cimetière à Saint-Martin-de-Valamas. 

    Pourquoi cet attachement ? Je n’ai pas la réponse exacte. Mais à la réflexion je me suis dit que je ne dois pas être le seul, et même que dans chaque village il y a un monument aux morts auquel les gens de la commune s’identifient, un monument qu’ils se sont appropriés et auprès desquels ils se retrouvent collectivement, pour des commémorations ou simplement pour venir y méditer.  

    L’endroit où ils se recueillent le mieux, le plus intensément, en accord avec eux-mêmes et les personnes qui les ont précédées, en harmonie avec leurs souvenirs d’enfance et de leur famille. Avec la mémoire collective du village.monument aux morts 2.jpg

    Mon monument aux morts à moi, c’est celui-là. 

    Il y en a dans tous les villages… Certains autres monuments sur le territoire français sont mieux ouvragés, les sculptures plus fines, les allégories plus riches, les personnages dans les scènes martiales représentées plus nombreux. Entre différents thèmes qui y sont traités : drapeaux, armes, batailles, mitrailles, blessures, personnages consolateurs à caractère religieux ou familial. 

    Mon monument à moi représente un soldat blessé drapeau sur l’épaule, fauché par le feu ennemi.

    Représentation un peu naïve du combat inégal entre un porte-drapeau et une mitrailleuse qui le prend pour cible. La sculpture est massive et bien dessinée, rien ne manque à l’uniforme du fantassin, les proportions sont bonnes et l’attitude du soldat qui vient d’être touché est cohérente.

    C’est « mon » monument aux morts. 

    Je n’en imagine pas d’autres et j’y suis attaché.

    D’aucuns vont se dire que c’est des idées macabres et bizarres que voici exposées, mais en réfléchissant ils vont se rendre compte aussi que c’est aussi « leur » monument aux morts à Saint-Martin-de-Valamas et qu’il a plus de signification pour eux que n’importe quel autre monument sur le territoire, fut-ce la tombe du soldat inconnu sous l’arc de triomphe.

    Les souvenirs de toutes les célébrations et commémorations auxquelles ils ont assisté dans cet espace, le lien que cela a créé avec leurs prédécesseurs y est sans doute pour beaucoup. Et l’emplacement de ce monument, proche de l’entrée du cimetière leur remet sûrement en mémoire les défunts qu’ils ont plus récemment accompagnés et ajoute de la densité à leurs pensées personnelles et à leur recueillement.

    DE LA PETITE HISTOIRE A LA GRANDE HISTOIRE. 

    ET AUSSI UN PEU DE GEOGRAPHIE.

    La presque la totalité des noms qui sont gravés sur les plaques fait référence aux morts de la guerre de 14/18. Leur nombre est impressionnant pour un si petit village et fort heureusement les guerres qui ont suivi la seconde guerre mondiale et les guerres d’Indochine et d’Algérie n’ont pas provoqué de telles hécatombes.

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    Et cela appelle quelques réflexions personnelles : sur les plaques beaucoup portent les mêmes noms de familles. Et même si leurs familles n’avaient pas de liens de parenté, n’étant pas descendantes des mêmes branches on peut y noter beaucoup de patronymes régionaux, et peut-être même locaux. (vous irez voir vous même lire les plaques pour le constater). Pour avoir visité des monuments aux morts dans quelques villages de la Loire ou de l’Isère j’ai pu noter les mêmes similitudes de noms très communs dans certains villages et ne figurant pas dans d’autres, éloignés d’à peine 10 kilomètres. 

    Et tous les noms de ces jeunes soldats sont d’origine française. Au début du XX ème siècle nos régions enclavées n’avaient pas encore été touchées par les phénomènes migratoires survenus par la suite, apportant d’autres patronymes.

    Au moment de la grande guerre la population françaises était essentiellement rurale et agricole et je me demande souvent ce qu’ont pu ressentir ces jeunes cultivateurs ayant quitté leurs « chambas » d’Ardèche pour être mobilisés dans une guerre qu’on leur promettait « fraîche et joyeuse », partis la fleur au fusil pour se retrouver dans des champs « de bataille » du nord de la France à être fauchés eux-mêmes avant d’avoir pu comprendre ce qu’ils faisaient là et ce qu’on attendait d’eux.

    Je suis souvent allé vers ce monument aux morts pour promener mes petits-enfants. J’en profitais pour leur expliquer le sens de l’histoire, la chronologie des guerres, et leur parler de la folie des hommes qui les provoquent. Et leur faire déchiffrer les noms gravés sur les plaques au moment où ils apprenaient à lire à l’école. 

    Et je suis bien certain que je ne suis pas le seul à l’avoir fait.

    Ces noms et ces histoires nous lient collectivement à notre village et à nos aînés. Les régiments de l’armée française au début de la grande guerre étaient composés de « pious-pious » qu’on regroupait ensemble dans les casernes par régions d’origine.

    Pour terminer ce petit mot un peu triste je vous joins une photo de 4 jeunes de Saint-Martin de Valamas qui doit être datée de 1916. Sur l’image, quatre jeunes gens revenus au pays et photographiés ensemble avec comme légende écrite à la main sur la photo « les rescapés de l’Argonne »… ça laisse un peu d’espoir que la grande guerre n’ait pas décimé tous les jeunes du village. Les noms des manquants sont eux, hélas, gravés sur les plaques de notre monument aux morts…

    Sur la photo se trouve mon grand-père maternel. 

    Et peut-être quelque parent à vous ?

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    Georges Verat

     
     
     
     
     
  • De nouveaux épiciers à St-Martin

    Un couple de nouveaux épiciers vient de s'installer au Garail, prenant la succession de Gaël et Stéphane. Voici le petit mot qu'ils nous ont adressé :

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    Bonjour à toutes et tous. En cours de carrière, il nous arrive de changer de région et cela peut se révéler être un grand tremplin, ainsi qu’un gain d’équilibre, source d’épanouissement et tout simplement rebondir. C’est pourquoi nous souhaitons maintenir l’épicerie du bois, un commerce au sein de votre bourg, pour vous offrir un service et vous assurez de la vie communale.  Nous vous remercions tous, pour votre accueil chaleureux. Bien amicalement Michele et Michel 

  • Le bloomer

    Le bloomer

    Une révolution vestimentaire et politique manquée ?

    Peut-être pas !

    Lors de recherches sur le système électoral municipal, on peut découvrir dans la presse ancienne des articles qui attirent l’attention, comme celui paru dans Le Journal d’Annonay du 3 mai 1884 sous le titre : « Les femmes aux séances du conseil municipal » :

    « L’article 54 de la nouvelle loi municipale, relative à la publicité des séances, soulève une question assez délicate, celle de savoir si les femmes peuvent pénétrer dans la partie de la salle réservée au public. Aucune restriction n’a été faite pour le sexe faible, et les commentateurs de la loi les plus compétents, M. de Ramel entre autres, avocat au conseil d’État et à la cour de cassation, estime que les femmes doivent être admises.

    En vertu de son pouvoir de police, le maire ou celui qui préside la séance peut exclure les perturbateurs ou ceux qui, manifestement, peuvent troubler les délibérations, tels que les enfants en bas âge. Mais il n’est pas nécessaire d’être électeur pour avoir accès dans le lieu réservé au public, et les femmes peuvent y entrer.

    Que le beau sexe se le tienne pour dit et que les conseillers préparent leur plus gracieux sourire. »

    L’article 54 était très simple et un peu laconique : « Les séances des conseils municipaux sont publiques. Néanmoins, sur la demande de trois membres ou du maire, le conseil municipal, par assis et levé, sans débats, décide s'il se formera en comité secret ». Il n’était pas nécessaire de faire appel aux compétences d’un avocat au conseil d’État et à la cour de cassation pour savoir si « public » comprenait ou non les femmes… 

    Aujourd’hui, les séances du conseil municipal sont toujours publiques (il n’y a plus de possibilité de comité secret), tout particulier peut assister aux débats du conseil municipal, qu’il soit électeur ou non, mineur ou étranger à la commune, sans avoir à justifier d’un intérêt quelconque pour accéder à la salle des séances. Mais dans la limite des places disponibles. À St-Martin il y a peu de places mais elles ne sont jamais toutes utilisées…

    En continuant ces recherches sur le sujet « les femmes et les élections », j’ai trouvé, en dehors du département, le cas très particulier d’une élection de conseillères avant le droit de vote pour les femmes. Cette élection est relatée dans un article du Journal Populaire édité à Paris du 17 au 24 mai 1871 (article aussi signalé sur le site web du Journal 20 minutes), sous le titre « Les femmes conseillères » 

    « Le suffrage universel a parfois de l’imprévu et du pittoresque dans ses manifestations, et l’on est tout ébouriffé, au dépouillement du scrutin, de trouver des bulletins de vote contenant tantôt des personnalités blessantes, tantôt des critiques amères contre l’administration locale. C’est ce qui est arrivé aux dernières élections municipales de la petite commune d’Artignemy, canton de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où l’on a nommé sept femmes pour conseillères municipales.

    La commune d’Artignemy a 240 habitants. Où diable le Bloomérisme s’avise-t-il de faire invasion ? ».

    C’est un peu surprenant, mais, à cette époque, il n’y avait un contrôle d’éligibilité qu’après le vote. Le signalement du Bloomérisme est tout aussi surprenant et énigmatique. D’où une nouvelle recherche !

    A l’origine de ce mouvement on trouve un vêtement pour femme composé « d’une jupe courte pour ne point gêner la marche, et d’une culotte longue pour sauvegarder la pudeur ». Il a été popularisé en Amérique dans les années 1850 par Amelia Bloomer (d’où la désignation), une journaliste américaine, militante du droit des femmes et du mouvement pour la tempérance (contre la consommation d’alcool). Elle a aussi présenté, en octobre 1851, ce costume en Angleterre et de nombreux journaux français se sont fait l’écho des articles de ceux d’outre-manche. Cette révolution vestimentaire n’a pas vraiment suscité l’enthousiasme des foules et les femmes qui l’avaient adoptée ont « obtenu, dans Piccadilly, de ces succès honteux et ridicules » avant de se retrouver victimes de quolibets, de sarcasmes et même d’agressions. Des réunions de présentation en Angleterre ont même tourné au désordre…. et certains journalistes n’hésitaient pas à écrire que « la secte des bloomeristes » aurait fait des adeptes, à Paris, « dans les environs des boulevards de la Madeleine »… Cette initiative s’arrêta, sous la pression sociétale, vers 1860.

    Que reste-t-il de cette aventure ?

    - Un vaudeville

    Le vaudeville, lui aussi oublié, de 1852, « Les Bloomeristes ou La réforme des jupons » n’a pas été salué par la critique. Un journaliste écrivait, en mars 1852, qu’il appartenait « à cette espèce de pièces pochades, écrites en huit jours, sous l'inspiration d'une idée, d'un costume à la mode ; le principal mérite est d'arriver à temps ».

    - Un hommage et des pantalons (ou culotte) de vélo (ou de cheval)

    Le Journal des débats politiques et littéraires (et d’autres journaux qui ont reproduit le même article) du 23 avril 1899 lui rend un hommage : « Il y a cinquante ans que la prophétesse du costume masculin pour femmes s'est révélée aux États-Unis ». Elle a été un peu oubliée mais « a fait jadis assez de bruit dans le monde ». 

    L’article précise : « Le ‘bloomérisme’, après une assez longue éclipse, a reparu, grâce à la bicyclette; il n'y a de changé que les noms, la ‘bloomériste’ est devenue la ‘modern woman’ et le costume ‘Bloomer’ s’appelle maintenant ‘rational dress’ ».

    Tout le monde n’était pas adepte de cette nouvelle mode puisqu’un chroniqueur sportif écrivait un an auparavant : « Aujourd’hui toute femme digne de ce nom, toute Parisienne soucieuse d'être dans le ton, et toute Française désireuse d’avoir quelque élégance, n’oserait enfiler une culotte, l’horrible, la hideuse culotte, sous prétexte de vélocipédie ».

    - Un vêtement pour la plage et les enfants

    On retrouve des vêtements « bloomer » dans la mode, dès les années 30, pour l’été, la plage ou le sport. Le bloomer, « une culotte blousante faite de manière à coller autour de la taille et au-dessus des genoux » se portait sous une jupe, généralement ouverte… Le bloomer devient en 1946 la « barboteuse dernier cri » qui habille aussi lien les jeunes enfants, garçons et filles, que les jeunes femmes « ayant de longues jambes minces ».

    Dans les années 1950 cette culotte est nettement au-dessus du genou et devient ensuite de plus en plus petite pour les volleyeuses et, surtout, les joueuses de tennis… Ce qui a eu pour conséquence une augmentation du nombre de spectateurs lors des matchs.

    - Des innovations en vêtements sportifs

    Je vous laisse chercher quelles sont les évolutions dans ce domaine… et découvrir l’offre qu’il y a actuellement sur des bloomers de tout style encore bien présents dans les catalogues.

    En guise de conclusion

    En septembre 2023, sur son site web, le magazine de mode Harper's Bazaar posait la question « Qui a dit qu’une tenue de tennis n’était pas politique ? », en invitant les internautes à visiter les expositions :

    - Mode et sport, d’un podium à l’autre, au Musée des arts décoratifs (jusqu’au au 7 avril 2024) ;

    - La mode en mouvement, au Palais Galliera (jusqu’au 7 septembre 2025) ;

    « Deux parcours riches de plusieurs centaines d'œuvres, de quoi plonger dans une histoire parallèle de la mode où la haute couture devient outil d’émancipation. »

    La révolution vestimentaire relayée par Amélia Bloomer n’a donc été manquée qu’à son époque… et de nombreux autres références aux bloomers existent en Amériques (dont des équipes sportives féminines de Bloomer Girls depuis 1890 au moins) ; la dernière référence étant un ouvrage paru en 2013 sous le titre The Bloomers : Wise Women Creating a New World

    JCR

    Illustration

    Évolution : 1850 costumes bloomers (celui de droite étant le plus extrême) - 1895 : Pantalon (ou culotte) pour le vélo - 1952 :  bloomer bouffant pour la plage. Sources : Wikipédia et Gallica.

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