C'EST PAS QUE DU VENT ! LES VENTS DANS LES BOUTIERES
On néglige trop fréquemment les vents comme élément important de la nature. Pourtant, ils influent grandement sur la vie des habitants:
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Ils apportent froid ou chaleur, précipitations ou sécheresse
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Ils transforment les conditions naturelles, arrachant les arbres, cassant les branches
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Ils peuvent modifier les conditions de vie, arrachant les toitures, déplaçant les objets (tuiles, tôles, bâches, etc.)
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Ils transportent toutes sortes de matériaux : sable, poussières, neige, feuilles, graines, insectes et parfois même oiseaux...
Pour tout cela, le vent ne doit pas être oublié dans le développement du vivant et si l'homme n'a pas réellement de prise sur lui, contrairement à l'eau, il peut néanmoins comprendre son action, s'en prémunir et parfois l'utiliser (éoliennes)
Mais quels sont donc les vents soufflant dans les Boutières? Ils viennent de trois directions: nord, sud et ouest et ont des caractéristiques bien différentes:
De l'ouest : c'est la direction générale (ouest/est) des vents soufflant sur l'Europe occidentale et venant de l'océan atlantique. Ils apportent nuages, pluies modérées sur le secteur des Boutières, car elles sont arrêtées par la barrière montagneuse du massif du Mézenc. Il prend dans les Boutières le nom de traverse ; il est frais et non froid et de puissance modérée.
Du sud: c'est généralement un vent chaud. Citons:
-Le marin:il souffle de la Méditerranée sur les régions méridionales de la France. Il apporte nuages et parfois des pluies abondantes, particulièrement en automne: ce sont les fameux épisodes cévenols générateurs de crues redoutées. Parfois, ce vent du sud n'amène pas de nuages, mais uniquement de la chaleur; il dessèche alors la végétation: c'est le vent blanc.
- Le sirocco: c'est un vent très chaud venu du Sahara. Il souffle rarement jusque dans les Boutières, mais alors il y apporte, avec quelques averses, ce sable venu du désert que l'on retrouve parfois sur les véhicules.
Du nord: il prend ici le nom de bise; c'est un vent froid et sec qui souffle souvent en synchronisation avec le mistral de la vallée du Rhône (mais moins puissamment). En hiver, on le nomme burle lorsqu'il souffle sur la neige en rafales, la soulevant en nuages et l'accumulant en congères, particulièrement sur les plateaux bien dégagés (1).
Gilbert Verdier
(1)A ce sujet, tout Ardéchois qui se respecte a, un jour ou l'autre( ou même une nuit!), eu affaire à cette fameuse “burle”. Nous lançons un appel aux lecteurs pour qu'ils nous fassent part de leurs expériences dans ce domaine: ce sont généralement des souvenirs marquants. Alors pour encourager les lecteurs, voici justement la narration d'un épisode “burlesque” dont le protagoniste a été l'auteur de cet article. A vos plumes!
Ce devait être en janvier ou février 1975. J'étais alors jeune instituteur et je remplaçais une collègue en maladie à l'école de Rieutord (classe unique), au bord de la Loire, en aval de Sainte Eulalie. J'étais venu pour le week-end à Saint Martin et le lundi matin, vers 7 heures, je pris la route pour me rendre au travail (il fallait moins d'une heure pour effectuer le trajet de 40 km). Au départ, à Saint Martin, il pleuvait légèrement et cette pluie dura à peu près jusqu'au col de Besses, après Saint Martial, où, à 1000 m d'altitude, elle se transforma en neige, mais modérée (pas de quoi, en tout cas, inquiéter le hardi aventurier que j'étais alors). De plus, j'avais aperçu, quelques lacets au-dessus, un camion des Ponts et Chaussées se dirigeant lui aussi vers le Gerbier de Jonc: je passerai derrière eux, sans problème, pensai-je; de plus j'avais alors une “deuche” que – c'est bien connu – rien n'arrête. Je continuai ainsi, imperturbable jusqu'au dernier col avant le Gerbier, à 1350 m d'altitude. Le camion était passé depuis deux ou trois minutes, mais ce ne fut pas le cas pour moi: la burle avait formé une congère au col, haute de quelques cinquante centimètres, et la voiture y resta plantée dessus, les roues tournant dans le vide. Je tentai de dégager le véhicule à l'aide d'une petite pelle, mais dans la tourmente, rien n'y fit; la neige continuait de s'accumuler, rendant vains mes efforts. Je rentrai dans la voiture, pour échapper un tant soit peu au froid et au vent. Je n'en menai pas large, inutile de le dire, ainsi coincé dans la burle (impossible d'appeler des secours: le téléphone portable relevait alors de la science-fiction). Heureusement, avec ma logique coutumière, je pensai que le camion, étant monté, allait forcément redescendre (imparable, hein?). Et ce fut le cas, mais au bout de deux heures seulement ! Les deux agents des Ponts, serviables au possible et grâce à leur matériel, dégagèrent la voiture et je pus ainsi repartir pour parcourir le dernier kilomètre qui me séparait du sommet. Ce fut le kilomètre le plus long que j'effectuai au cours de ma longue carrière de virtuose des routes départementales: avec la burle qui masque tout, la neige qui effaçait tout repère sur les côtés, je parvins à travers un mur blanc, en roulant au pas et au bout de longues minutes, au terme de cette courte distance. Je basculai alors vers Sainte Eulalie, dans une descente bien dégagée. J'arrivai enfin à destination avec trois bonnes heures de retard. Je pus reprendre les cours l'après midi, tout auréolé de la gloire de celui qui avait vaincu les éléments déchaînés.
Telle fut cette courte mésaventure dans la burle, qui j'espère vous incitera à en narrer d'autres.
Gilbert