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ruedespuces - Page 169

  • Editorial

    Depuis un an nous sommes privés de spectacles, plus de concerts, plus de cinéma, plus de théâtre. Heureusement, dans nos contrées, c'est la nature qui peut gratuitement nous procurer des spectacles : Exemples :

    Le samedi 6 février, nous nous sommes réveillés avec un ciel jaune orangé exceptionnel, cette lumière vraiment particulière était due à un vent du sud qui nous avait amené du sable du Sahara. Sable qui, le lendemain s'est déposé délicatement sur nos voitures lorsque la pluie s'est mise à tomber.

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    La fonte des neiges sur les hauteurs et les chutes de pluie ont fait grossir les rivières. La Saliouse et l'Eysse par exemple ont pris des airs de torrent alpin avec des reflets verts.

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    Le spectacle des animaux dans le jardin, les mésanges, rouge-gorges, moineaux, merles, tourterelles et même les chats qui les chassent

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    Dans les près, les brebis et leurs agneaux gambadent.

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    Tout ces spectacles sont gratuits et non subventionnés

     

    En ce qui concerne « ruedespuces » les auteurs, comme d'habitude ont bien travaillé. Les articles sont variés. On continue la série sur la démographie avec une étude sur la population de Borée puis on parle du cimetière du Père Lachaise, de la santé dans les Boutières, des « cœurs vaillants » dans les années 50, du prix des prix à la bibliothèque, du tourisme  et même de vœux politiquement corrects, sans oublier la suite de notre feuilleton.

    François Champelovier

  • Les Boutières n’étaient pas encore touristiques

    En 1827 paraissait un recueil de poèmes attribué à Clotilde de Surville. Cette femme poétesse serait née vers 1400 et ses œuvres auraient été publiées à partir de 1797. Son existence est largement controversée ainsi que les « fragments de manuscrits » à l’origine de la publication. Certaines critiques tendent à prouver que la syntaxe du texte est trop moderne pour avoir été écrite au 15° siècle. (Elle aurait vécu à Vesseaux près d’Aubenas).



    La description du pays des Boutières n’est pas très engageante dans la description des origines de Juliette Vivarez, une compagne de Clotilde, :

    « La naissance obscure de cette aimable enfant me paroit un titre de plus pour lui donner, un article dans cette liste, quoiqu'il ne reste d'elle que sept stances qui ne sont pas même en François : elles sont en langue de Oc ; Son vrai nom (supposé même que ce ne fût pas un enfant trouvé) n'a pas été transmis par Clotilde. Elle naquit au village d'Arsceins, dans cette partie affreuse du haut Vivarez, qu'on appelle vulgairement les Boutières, au pied de la haute montagne du Mézenc. Sans parents, sans ressource et sans biens, elle garda les chèvres dans sa première jeunesse.. ».



    Dans un ouvrage d’Eugène Villedieu sur Clotilde de Surville paru en 1873, on trouve une description encore bien négative :

    « .. et Juliette, petite bergère venue d'Arcens, village perdu dans un de ces ravins qui se précipitent du Mézenc et du Gerbier-de-Jonc et sillonnent les hautes Boutières de leurs abruptes profondeurs ».



    D’autres descriptions du pays, tout au long des siècles, ne sont guère plus engageantes :



    « Puis tout à coup, au sortir de la feuillée se dresse le Gerbier rocailleux, pelé, tout gris, sans un arbre. Au bas : la source de la Loire et une ferme dont les gens sont occupés aux travaux de la fenaison... »

    (En Vivarais. 2, L'Ardèche pittoresque : en montagne, Jean Volane, 1895.)



    « Moins élevé que le Mézenc, le Gerbier de Joncs - 1562 mètres d'altitude - est aussi plus escarpé. Armez-vous de patience, s'il vous plaît de tenter l'ascension de ses larges flancs trachytiques, rocailleux, infertiles. Et vous ne trouverez au sommet que des joncs croissant en touffes épaisses sur un marécage désolé ! »

    (Les fleuves de France. 2, La Loire, Louis Barron, 1888.)



    « Du Mézenc jusqu’au Rhône, les gorges des Boutières, escarpées, profondes, innombrables, déchirent en tout sens le sol granitique. Aux pieds de l’observateur, s’élancent, du fond des abîmes, des rocs aigus, des crêtes tranchantes, des pics inaccessibles, affectant, dans leur décrépitude, les formes les plus étranges. Plus loin, le Gerbier-de-Joncs s'élève comme un monument aux sources de la Loire : du haut de son dôme escarpé, où l'on ne gravit qu'avec effort, l'œil plonge d'un côté sur d'effroyables précipices ; de l'autre, il erre avec la Loire naissante dans le beau vallon de Sainte-Eulalie… »

    (Description géognostique des environs du Puy-en-Velay, J.-Mathieu Bertrand-Roux, 1823.)



    « Il [Le Gerbier] est placé sur une plaine étendue du côté du midi, tandis que, du côté du nord, il est au bord d'un précipice le plus affreux, du fond duquel le Gerbier-de-Joncs paraît comme la flèche d'un clocher. »

    (Histoire naturelle du volcan du Gerbier-de-Joncs d'où sort la Loire, Jean-Louis Soulavie, 1780.)



    Mais depuis quand les Boutières sont-elles devenues « cette destination aux multiples facettes [qui] vous émerveillera en toute saison » décrite par l’office de tourisme Val’Eyrieux ?



    A suivre.

    Jean-Claude Ribeyre



    Illustration : Carte postale de Margerite-Brémond (vers 1900-1920 ?). Les Gorges des Boutières (Ardèche). Vallée très escarpée et parsemée de nombreux rochers et de pics aigus, véritable mer de Montagnes se perdant, à l’horizon, dans les contreforts des Alpes, du Dauphiné et de la Savoie (Vue prise de la route du Mézenc au Gerbier).

     

  • Borée : Evolution démographique d'une commune de montagne

      Borée est un exemple presque parfait d'une commune de la montagne ardéchoise, comprise entre une altitude de 850 m et 1754 m (mont Mézenc), elle est quasi entièrement située au-dessus de 1000 m (mairie à 1120 m).

     Certes, il y a d'autres communes du secteur qui peuvent prétendre à ce titre, La Rochette ou Saint Martial, mais elles se situent tout de même par leur population à des altitudes nettement plus basses  (vers 800 /900 m); Saint Clément, bien sûr, mais elle toujours eu une population moindre et est donc  moins significative...Non : Borée est vraiment le meilleur exemple de commune montagnarde du secteur.

     Au préalable, il faut savoir que cette étude sur la population de Borée débute seulement en 1856. En effet, avant cette date, Borée et La Rochette ne formaient qu'une seule commune, qui groupait alors plus de 2000 habitants ! La Rochette s'étant à cette date constituée en commune autonome, Borée a perdu d'un coup plus de 500 habitants ( soit ¼ de sa population). Borée ayant des limites stables depuis cette date, il est possible d'étudier correctement l'évolution démographique de la commune de 1856 à nos jours.



      Borée au XIX° siècle :une vigueur démographique exceptionnelle

     La densité de population en 1856 dépassait les 50 habitants au km2. Densité tout à fait extraordinaire compte tenu des conditions naturelles de la commune (altitude élevée : moyenne 1200/1300m, relief escarpé, climat rude-en hiver notamment-).Et c'est d'autant plus remarquable qu'à l'époque, l'âge moyen de décès en France se situait , compte tenu de la forte mortalité infantile, autour de 32 ans. Il fallait donc que le taux de natalité soit extrêmement élevé pour compenser les pertes. Si l'on excepte les secteurs de la commune trop élevés (au-dessus de 1400 m) ou trop abrupts (cônes volcaniques), on peut donc dire qu'il y avait du monde partout, dans le moindre hameau ou écart.Les secteurs les plus peuplés étaient, outrele bourg centre, le secteur d'Echamps, les hameaux de Prévenchères, la Bâtie, Molines,tous endroits bien exposés ( à l'adret) et offrant des surfaces cultivables planes et surtout très fertiles, grâce au sol d'origine volcanique. 

     En fait, tout au long du XIX° siècle, Borée était probablement à l'extrême limite de ses capacités d'alimentation de sa population. 



     La période qui nous occupe (1856 – 2020) peut se décomposer en trois phases: 

      1)de 1856 à 1896: c'est une période de « hautes eaux »; la population se maintient autour de 1300/1400 habitants. Cependant, entre 1856 et 1876, c'est d'abord un moment de baisse forte : - 17% ( 250 habitants) , dû aux séquelles de  la séparation d'avec La Rochette. Incontestablement, Borée a alors subi le contrecoup du divorce, mais c'était conjoncturel. A noter toutefois que La Rochette a nettement moins souffert de cet épisode: sa population se maintient entre 500 et  600 habitants jusqu'en 1906.

     Entre 1876 et 1886, Borée reprend de la vigueur pour atteindre ses plus hauts niveaux (1420 habitants en 1886) 

     De 1886 à 1896, la population baisse légèrement mais se maintient au-dessus de 1300 habitants.

    2) de 1901 à 1999 : c'est le siècle du dépeuplement ( qui n'est pas spécifique à Borée: tous les villages des Boutières sont touchés et même tous les villages de la montagne ardéchoise, mais Borée l'est tout particulièrement puisque sur un siècle, la commune perd 90% de sa population (soit près de 1% par an en moyenne) !. Contrairement à ce que beaucoup pensent, ce dépeuplement n'a pas commencé après la guerre de 14-18, mais avant, à peu près au tournant du siècle, et même bien avant pour certaines communes, mais il n'a plus cessé jusqu'en 2000. Ce dépeuplement  peut avoir plusieurs causes qui se combinent entre elles, voire qui font boule de neige:

      - départ d'une partie de la population (certainement jeune) qui a soustrait à la commune une partie décisive de « bras » pour l'agriculture et l'artisanat.

      - baisse de la natalité, consécutive à  ce exode de la jeunesse.

      - hausse de la mortalité, ne restant sur place ceux qui ne peuvent plus partir (personnes âgées)

    3) de 2000 à 2020: la population paraît se stabiliser, voire remonter légèrement ( autour de 150 habitants). Il est trop tôt pour tirer des conclusions et parler de repeuplement, mais il semble que la dégringolade soit stoppée.



    Quelle perspective démographique pour Borée? 

      Durant le XIX° siècle, Borée était alors au maximum  de la  population qu'elle pouvait accueillir, compte tenu des conditions naturelles et des méthodes de production agricoles d'alors. Aujourd'hui, cette population est à son minimum, qui ne lui permet guère de maintenir une vie économique, sociale ou culturelle satisfaisante ( la période d'été, avec son apport de résidents secondaires, ne saurait faire illusion). Pour retrouver une vie collective digne de ce nom, une augmentation sensible de la population est impérative, et entre le minimum d'aujourd'hui et le maximum d'hier, il y a place pour un optimum démographique, qui, tenant compte du bien-être de la population (logement, équipements modernes) et les possibilités agricoles (l'espace ne manque pas et les techniques nouvelles non plus), permettrait à Borée de redevenir une commune vivante et attractive (1).



    (1) Cet optimum démographique peut être estimé entre 500 et 700 habitants, sachant que tous les lieux jadis occupés ne pourront pas être réinvestis ( trop isolés, trop difficiles d'accès...)




           Gilbert  Verdier